Décision individuelle ou réglementaire ?
La délibération par laquelle le conseil municipal[1] – organe délibérant de la commune – décide de la conclusion d’un contrat d’aliénation d’un bien de son domaine privé, au profit d’un acquéreur nommément désigné, est une décision administrative unilatérale (v. notamment, CE, 17/10/1980, Gaillard : req. n° 23.226 ; Lebon p. 379) à caractère individuel.
Qui plus est, cette décision individuelle est créatrice de droits au profit du bénéficiaire.
Le Conseil d’Etat est venu expressément affirmer que « la délibération susmentionnée du 4/02/1983 – par laquelle le conseil municipal a décidé la vente au profit de la SCI P. – qui constituait une décision de contracter qui avait été notifiée à son bénéficiaire avait un caractère exécutoire et avait créé des droits au profit de la SCI P. » (CE, 16/12/1988, SCI Paule : req. n° 70.908 ; Lebon Tables p.971).
Si le conseil municipal se prononce sur les modalités de la cession – à savoir une vente à l’amiable ou une adjudication publique –, il incombe au maire, en application des dispositions de l’article L. 2122-21 du CGCT, de se charger de l’exécution d’une telle décision.
Mesures de publicité conditionnant l’exécution de la délibération autorisant la vente
La délibération doit être notifiée à son bénéficiaire et doit être transmise au préfet (art. L. 2131-2 du CGCT) aux fins de contrôle administratif.
Le maire signera, au nom de la commune, l’acte de vente qui sera publié au fichier immobilier.
Le conseil municipal, notamment lors d’un changement de majorité, peut-il revenir sur sa décision de vendre ?
En application du principe du « parallélisme des compétences », ce qu’une autorité administrative a fait, elle est censée pouvoir le défaire.
Seulement, si cet adage est applicable aux actes réglementaires qui, par définition, ne sont jamais créateurs de droits particuliers, il n’en va pas de même à pour les décisions individuelles créatrices de droits.
Ces décisions créatrices de droits – telles que la délibération du conseil municipal portant sur les caractéristiques de la cession d’un bien et sur les conditions de la vente – dûment notifiées à leur bénéficiaire ne peuvent être :
- Ni abrogées[2] ;
- Ni retirées[3], à moins d’être entachées d’illégalité et dans un délai de 4 mois courant à compter de leur adoption (v. CE, 26/10/2001, Ternon : req. n° 197.018 ; Lebon p. 497 et s.).
Un conseil municipal ne peut valablement décider de retirer la délibération par laquelle il a décidé de procéder à une vente, qu’à la stricte condition que sa décision soit entachée d’illégalité et que le délai de 4 mois ne soit pas expiré.
Quant au maire, il est tenu d’exécuter les délibérations du conseil municipal, dans les meilleurs délais.
Remarque :
Le changement de majorité, suite aux élections, ne rend pas caduques les décisions administratives adoptées par l’organe délibérant.
Le principe de la continuité des organes administratifs est en effet opposable.
[1] – Art. L. 2241-1 du CGCT : « Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune ». Plus précisément, « toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2.000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles ».
[2] – L’abrogation a pour effet de supprimer une décision pour l’avenir et non de manière rétroactive.
[3] – Le retrait a, quant à lui, un effet rétroactif. La décision retirée est expulsée de l’ordonnancement juridique. Elle est censée n’avoir jamais existé.
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