À propos de l’arrêt Cass. 3ème civ., 6.04.2022 : pourv. n° 21-13.891 ; Bull. civ.
L’article 2227 du Code civil prévoit que « Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par 30 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »
Quant à l’article 2224 il précise que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »
Si la question du régime de prescription des actions en démolition entre colotis pour violation des clauses d’un cahier des charges de lotissement semblait arrêtée et clairement relever du régime de prescription trentenaire de l’art. 2227 du Code civil, la Cour d’appel de Paris a fait preuve d’une évidente et étonnante rébellion …
Par arrêt du 8.01.2021, ladite Cour a déclaré irrecevable, car tardive, l’assignation de 2016 en démolition et en indemnisation de Monsieur B. à l’encontre de ses voisins colotis – Monsieur et Madame E. – ayant construit courant 2008 et en violation du cahier des charges, un abri à outils et local en vélo en limite de propriété :
« l’action est fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le PLU en vigueur, et qu’il s’agit, en conséquence, d’une action personnelle visant à obtenir la démolition des constructions, au motif qu’elles ont été édifiées par M. et Mme [E] au mépris de leurs engagements contractuels, et des dommages-intérêts ».
Autrement dit, la CA de Paris a considéré que les actions judiciaires trouvant leur fondement dans la violation des clauses d’un document contractuel sont, en bloc et par principe, personnelles et se prescrivent donc par 5 ans.
Sans grande surprise, la 3ème chambre de la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt du 8.01.2021 en opérant le distinguo suivant :
- « 5. L’action tendant à obtenir la démolition d’une construction édifiée en violation d’une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d’une stipulation du cahier des charges d’un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire » ;
- Par contre, « 6. L’action en réparation du préjudice personnel que prétend avoir subi le propriétaire d’un lot en raison de la violation des stipulations du cahier des charges est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale »
Autrement dit, un coloti peut assigner tout autre coloti en démolition – sans avoir à justifier du moindre préjudice personnel, puisque tout coloti est tenu de se conformer au cahier des charges grevant le périmètre du lotissement – dans les 30 ans de l’achèvement de l’ouvrage ou de l’installation non-conforme à l’une ou l’autre de ses clauses.
Le cahier des charges a pour objet de décrire les contraintes à portée réelle – et non personnelles – grevant chacun des lots composant l’assiette du lotissement. Elles garantissent ainsi son évolution harmonieuse dans le temps.
La Cour de cassation vient préciser que le caractère contractuel du cahier des charges n’a aucune incidence sur la portée réelle de ses clauses. Ce qui est rassurant puisque toute autre position et lecture auraient évidemment bouleversé la cause-raison d’être du cahier des charges de lotissement, et donc dénaturé son objet.
Il est donc confirmé qu’un contrat peut n’avoir qu’une portée réelle, même si la mise en œuvre de ses clauses incombe nécessairement à des personnes physiques ou morales.
N’hésitez pas à nous contacter.
CABINET DUCOURAU & AVOCATS
5 Place des Quinconces 33000 Bordeaux.
Tel : 05.35.54.35.74 – mail : cabinet@ducourau-avocats.fr