À propos de l’arrêt CE, 12.04.2022, Société Arest : req. n° 448.946
Les faits en présence :
Le département de la Vendée confie en 2002 la maîtrise d’œuvre de la construction du musée « Historial de la Vendée » à un groupement conjoint composé par différentes sociétés, dont la société Arest.
Les travaux de réalisation ont été répartis en 23 lots. Le lot 5 « charpente métallique » a été confié à la société Girard Hervouet.
La réception des travaux est intervenue avec réserves le 30 juin 2005, les réserves ayant été levées le 27 octobre 2005.
Le 20 février 2007, le groupement de maîtrise d’œuvre notifie à la société Girard Hervouet les projets de décomptes généraux relatif aux lots qui lui ont été attribués. Cette dernière en conteste le montant et réclame le versement d’un complément de rémunération de 853.250,77 euros HT relatif au surcout de la toiture métallique.
La procédure :
Par jugement n° 0706891 du 22.04.2011, le Tribunal administratif de Nantes condamne le département de Vendée en sa qualité de maître d’ouvrage à verser à la société Girard Hervouet la somme de 418.685 euros HT, soit la somme globale de 660.218,26 euros (TTC, intérêts et capitalisation des intérêts).
Le département de la Vendée estime que les manquements pour lesquels il a été condamné par le Tribunal administratif sont exclusivement imputables au groupement chargé de la maîtrise d’œuvre et se retourne contre les sociétés composant ledit groupement en charge du lot 5 « charpente métallique », afin que lui soit remboursée la somme de 660.218,26 euros.
Par jugement n° 1701837 du 24 avril 2019, le Tribunal administratif de Nantes rejette la demande du département de la Vendée de condamnation solidaire de la société Arest et M.CA – membres du groupement de maîtrise d’œuvre –, à lui verser la somme de 660.218,26 euros avec intérêts au taux légal.
Par arrêt n° 19NT02575, la Cour administrative d’appel de Nantes annule ce jugement et condamne la société Arest à verser au département de la Vendée la somme de 660.218,26 euros avec intérêts. La Cour considère que le département de la Vendée est fondé à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif a rejeté comme irrecevable sa demande principale fondée sur la responsabilité contractuelle des membres du groupement de maîtrise d’œuvre en raison du caractère définitif du compte général du marché correspondant.
La Cour engage la responsabilité contractuelle de la seule société Arest membre du groupement de maîtrise d’œuvre – seule en charge de fournir les plans d’exécution du lot de la charpente métallique à l’origine des surcouts –, en sa qualité de constructeur au sens de l’article 1792-4-3 du Code civil.
La société Arest est condamnée à verser au département de la Vendée la somme globale de 660.218,26 euros TTC, correspondant à la somme globale versée par lui à la société Girard Hervouet en application du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 22.04.2011.
La société Arest se pourvoi en cassation près le Conseil d’Etat.
Décision du Conseil d’Etat :
Dans son arrêt n° 448946 du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative d’appel de Nantes « n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil et le délai de prescription décennale qu’elles prévoient étaient applicables au litige, et en écartant par suite l’application du délai de prescription de droit commun de 5 ans prévu par l’article 2224 du Code civil »
En effet, l’article 1792-4-3 dispose qu’« en dehors des actions régies par les art. 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par 10 ans à compter de la réception des travaux ».
Le Conseil d’Etat affirme que ces dispositions – « figurant dans une section du Code civil relative aux devis et marchés et insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie » – ont vocation à s’appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.
La prescription quinquennale de l’article 2224 – « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » – est inopposable au contentieux en présence. Et pour cause, comme le rappelle la Haute juridiction administrative, seule l’action d’un constructeur contre un autre constructeur ou sous-traitant relève de telles dispositions.
En conclusion :
Puisque le département de la Vendée est le maître d’ouvrage et la société Arest membre du groupement de maitrise d’œuvre le constructeur de l’ouvrage à l’origine du surcout des travaux objet du marché de maîtrise d’œuvre ;
Et puisque, si la réception des travaux est intervenue le 27 octobre 2005, l’article 2222 du Code civil prévoit qu’« en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion [jusqu’à la loi n° 2008-561 du 17.06.2008, portant réforme de la prescription en matière civile il était de 30 ans conformément à l’art. 2632 du Code civil], ce nouveau délai [désormais, 10 ans] court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure », le délai de 10 ans de l’art. 1792-4-3 n’a donc commencé à courir qu’à compter du 19.06.2008 date de l’entrée en vigueur de la loi du 17.06.2008.
Dès lors, le département de la Vendée était en droit d’engager la responsabilité contractuelle 1792-4-3 du maître d’œuvre constructeur jusqu’au 17.06.2018. Délai effectivement respecté en l’espèce.
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