Du recours abusif contre un permis de construire (A propos de l’avant-projet de loi « stratégie logement »)

Le Gouvernent a présenté sa Stratégie logement axée autour de trois piliers : « Construire plus, mieux et moins cher ; Répondre aux besoins de chacun et enfin, Améliorer le cadre de vie ».

Parmi les mesures du « Construire plus, mieux et moins cher », figure le « stop aux recours abusifs ». Le Gouvernement souhaite renforcer les moyens de lutte contre les recours abusifs.

Avant que les projets de loi, ordonnance ou autre décret ne soient élaborés, il est utile de rappeler que les contours du contentieux de l’urbanisme sont d’ores et déjà façonnés pour servir la sécurité juridique des promoteurs et autres lotisseurs, avec comme garde-fou le Droit au recours contre un permis entaché d’illégalité.

1°/ Depuis le 19 août 2013, tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager doit préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier – au sens du nouvel article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme – d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.

Pour ce faire, la jurisprudence administrative exige que le requérant fasse état « de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ».

Le juge de l’excès de pouvoir étant tenu de « former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci »

(v. arrêt de principe, CE, 10/07/2015 : req. n° 386.121 ; publié au Lebon).

Autant dire, que les Tribunaux administratifs apprécient rigoureusement et strictement l’intérêt à agir des propriétaires ou occupants des biens situés à proximité d’un programme couvert par un permis.

2°/ Toujours dans le but de sécuriser les opérations de construction et d’aménagement, depuis le 1er octobre 2007, tout requérant est contraint de respecter la procédure de notification décrite par l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.

À peine d’irrecevabilité, l’auteur du recours contre une autorisation d’urbanisme, mais également contre un certificat d’urbanisme, est tenu de le notifier tant à l’auteur de la décision, qu’au titulaire de l’autorisation. Et ce, « par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de 15 jours francs à compter du dépôt du déféré [préfectoral] ou du recours ».

Sachant que, « l’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif ».

Toute erreur dans la notification des recours administratifs et/ou contentieux se révèle fatale puisqu’elle se résout par l’irrecevabilité définitive de l’action même lorsque le permis pâti d’une illégalité …

Le Conseil d’Etat veille toutefois à ce que la rigueur du mécanisme exceptionnel de R. 600-1 ne soit opposée par les juridictions qu’aux seules décisions qu’il énumère limitativement. Tel n’est notamment pas le cas des autorisations de défrichement, des autorisations d’exploitation commerciale, ou encore du refus opposé par un Maire de constater la caducité d’un permis de construire.

3°/ Enfin depuis le 19 août 2013 – en sus des actions en recours abusifs régies par le Code de justice administrative ou trouvant leur fondement dans le Code civil – le Code de l’urbanisme offre aux titulaires d’autorisations d’urbanisme la possibilité de saisir le juge administratif d’une action en dommages et intérêt contre un requérant « abusif ».

L’article L. 600-7 prévoit que « lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts ».

L’objectif de ce dispositif consiste à démasquer, sanctionner et donc dissuader les « faux requérants » ou « requérants malveillants ».

Il ne faut toutefois pas généraliser et considérer que tout voisin ou association qui conteste la légalité d’un permis de construire ou d’aménager cherche soit à s’enrichir, soit à pourrir la vie des promoteurs …

Ni même présupposer que toutes les autorisations de construire ou de lotir sont respectueuses de la légalité.

Il incombe aux Avocats de n’engager leurs clients dans un recours administratif ou contentieux que lorsque l’autorisation d’urbanisme est entachée d’une illégalité manifeste ou du moins évidente, et non-régularisable.

Il peut s’agir d’une implantation violant les distances minimales avec la voie publique ou les limites séparatives, d’une hauteur maximale dépassant celles opposables sur la zone, d’une destination interdite, ou encore d’une morphologie allant à l’encontre de la qualité du secteur définit par le PLU.

Les pouvoirs publics se doivent donc de respecter la défense des intérêts légitimes des requérants d’autant que le Droit au recours est un principe de valeur constitutionnelle, un Droit garanti par l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et un Principe général du droit consacré par le Conseil d’Etat.

Le Gouvernement peut donc menacer les requérants de sanctions plus importantes contre les recours abusifs, il ne saurait valablement empêcher les requérants justifiant d’un intérêt à agir à lutter contre la réalisation d’opérations immobilières violant telle ou telle prescription d’urbanisme grevant le terrain d’assiette.

Par contre, la volonté de maîtriser la durée des procédures est louable et très attendue par les acteurs du contentieux de l’urbanisme.

Comme le rappelle le Ministère en charge de l’urbanisme, un recours devant le Tribunal administratif dure, en moyenne, entre 18 et 24 mois.

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