Régime du délai de recours contre une décision administrative

(CE Ass., 13/07/2016, Min. des finances et des comptes publics : req. n° 387.763)

À la différence de la procédure civile, le contentieux administratif subordonne (largement) la recevabilité des recours à leur exercice avant l’expiration d’un délai qui s’avère relativement court. En effet :

« Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » (art. R. 421-1 du Code de justice administrative (CJA)).

Comme l’explique R. Chapus (in Droit du contentieux administratif, 13ème éd. Montchrestien, n° 688), la brièveté du délai de recours traduit une exigence tenant à la considération « qu’il est d’intérêt général que le sort des décisions de la puissance publique soit fixé aussitôt que possible ».

Si les justiciables se doivent d’être diligents ; le déclenchement du délai de recours suppose que l’administration respecte scrupuleusement les prescriptions relatives à l’information et à la sécurité des justifiables, codifiées sous les articles R. 421-1 et R. 421-5 du CJA :

  • Le délai de droit commun de 2 mois court « à partir de la notification [décisions individuelles, voire d’espèce] ou de la publication [décisions réglementaires] de la décision attaquée» ;
  • Mais attention ! Pour que les délais de recours soient opposables aux bénéficiaires d’une décision individuelle (ou d’espèce) ils doivent « avoir été mentionnés (…) dans la notification de la décision», ainsi que « les voies de recours » (art. R. 421-5 du CJA).

Jusqu’à présent, une notification incomplète ou erronée provoquait le non-déclenchement, indéfini, du délai de recours (de droit commun ou spécial).

Dans son arrêt d’Assemblée du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat commence par rappeler que « lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai [de deux mois de l’article R. 421-1 du CJA] n’est pas opposable ».

Puis, au nom du « principe de sécurité juridique », il encadre les effets de l’inopposabilité du délai de recours à un « délai raisonnable » :

« Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce qui puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, (…), le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable » qui ne saurait « excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».

Dans l’espèce soumise à la Haute juridiction administrative, Monsieur B. ancien brigadier de police avait reçu le 26 septembre 1991 notification de l’arrêté du 24 juin 1991 lui concédant une pension de retraite.

« Si une telle notification était incomplète au regard des dispositions de l’article R. 421-5 du CJA, faute de préciser si le recours pouvait être porté devant la juridiction administrative ou une juridiction spécialisée, et si, par suite, le délai de deux mois fixé par l’article R. 421-1 du même Code ne lui était pas opposable, (…) le recours dont Monsieur B. a saisi le Tribunal administratif de Lille plus de 22 ans après la notification de l’arrêté contesté excédait le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé ».

La demande de Monsieur B. doit « en conséquence, être rejetée comme tardive ».

 

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