De l’expropriation en vue de la vente d’un espace commun de lotissement transféré dans le patrimoine d’une collectivité communale

 

I/     Les éléments communs d’un lotissement restent et demeurent communs malgré leur transfert dans le patrimoine d’une collectivité publique

Puisque selon les termes de l’article L. 442-9, 1er alinéa, du Code de l’urbanisme seules les règles d’urbanisme d’un lotissement sont susceptibles – dans le respect de trois conditions cumulatives (10 ans d’ancienneté, territoire communal couvert par un POS ou un PLU, non-opposition de la majorité qualifiée des colotis) – de devenir caduques ;

Et puisqu’en vertu de l’alinéa 3 de l’article L. 442-9, dans sa version « ALUR »[1], « les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes » ;

La qualité de « collectivité publique » de l’entité propriétaire et gestionnaire des éléments communs d’un lotissement ne saurait lui conférer un pouvoir unilatéral de désaffectation.

Par conséquent, la collectivité communale (ou intercommunale) qui se voit transférer, par le lotisseur (convention de transfert v. art. R. 442-8 du Code de l’urbanisme) ou par l’association syndicale libre[2], la propriété des voies, espaces et/ou équipements communs d’un lotissement, devient propriétaire des éléments communs d’un lotissement, dans le but d’en garantir la pérennité.

La collectivité communale ne devient donc pas propriétaire de parcelles de terrain libres de toute contrainte réelle. Elle accepte leur transfert « sans prix » dans son patrimoine parce qu’elle prend l’engagement d’en assurer l’entretien et la gestion ad vitam aeternam.

La commune qui s’est conventionnellement vue transférer la propriété des voies ou des espaces verts communs d’un lotissement ne saurait donc valablement décider de leur « désaffectation » totale ou partielle.

La commune « propriétaire » se doit, au préalable, de « déclasser » l’espace commun avant de valablement pouvoir prétendre l’aliéner à un tiers ou à l’un ou l’autre des colotis …

Pour ce faire, et depuis l’entrée en vigueur de la loi ALUR – le 27 mars 2014 –, le déclassement de tout ou partie d’un espace commun du lotissement suppose l’accord unanime des colotis.

En effet, l’article 159 de la loi ALUR, insère un nouvel alinéa 2 à l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme.

Après avoir décrit la procédure de modification des documents du lotissement (alinéa 1er L. 442-10), ce nouvel alinéa 2 pose le principe selon lequel « le premier alinéa ne concerne pas l’affectation des parties communes des lotissements ».

Autrement dit, la nécessaire pérennité de l’affectation « élément communs » des voies, espaces et/ou équipements propres au lotissement impose, selon le législateur, que leur désaffectation ne puisse être décidée qu’à l’unanimité des colotis …

Le législateur « 2014 » aggrave donc la procédure permettant à un « élément commun aux lots du lotissement en présence » de perdre son affectation originaire, afin de devenir un bien immobilier aliénable.

II/    Le régime de l’expropriation peut permettre à la collectivité publique propriétaire des éléments communs d’un lotissement de procéder à leur désaffectation, sans passer par la case L. 442-10.

 À condition que l’expropriation soit justifiée et motivée par la réalisation d’une opération d’intérêt général, et non par la simple et seule satisfaction de l’intérêt privé du prétendant acquéreur (agrandissement du jardin d’agrément, de la maison, …) qu’il ait ou non la qualité de coloti.

Article L. 1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique énonce que :

« L’expropriation, en tout ou partie, d’immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu’à la condition qu’elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d’une enquête et qu’il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu’à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées.

 Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité ».

Quant à l’article L. 222-2, al. 1 et 2, de ce même Code il affirme que :

« L’ordonnance d’expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés.

 Il en est de même des cessions amiables consenties après déclaration d’utilité publique et, lorsqu’il en est donné acte par ordonnance du juge, des cessions amiables antérieures à la déclaration d’utilité publique ».

Il s’avère que l’affectation des parcelles composant le périmètre du lotissement, désignées par le document d’arpentage (ou le plan de composition intégré au dossier de demande de l’arrêté de lotir) comme « parties communes » ou « éléments communs » aux lots « privatifs » devant être bâtis par chacun des colotis, est comme nous l’avons vu une charge réelle grevant lesdites parcelles.

Charge réelle indélébile malgré la vente et revente des lots dudit lotissement. Actes de revente devant nécessairement informer l’acquéreur de la composition du périmètre du lotissement accueillant la parcelle objet de la mutation.

Dans la mesure où la commune est restée propriétaire des voies et des espaces verts du lotissement, elle ne saurait prétendre s’exproprier à elle-même un bien dont elle est déjà propriétaire …

Par contre, la commune peut, au vu des termes de l’article L. 1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, prétendre exproprier le droit réel grevant le périmètre du lotissement, et plus précisément la ou les parcelles composant les « voies ou espaces verts » dudit lotissement.

À condition, que cette expropriation de droit réel trouve un fondement d’intérêt général[3], faute de quoi, la procédure d’expropriation serait constitutive d’un détournement de pouvoir[4].

L’indemnité due en cas d’expropriation reviendra aux colotis …

 

[1] –  Loi n° 2014-366 du 24/03/2014, ALUR publiée au JO le 26/03/2014 et entrée en vigueur le 27 mars 2014.

[2] –  Vraisemblablement, en application des dispositions statutaires de l’ASL, telles que rédigées par le lotisseur.

[3] – Motivation, objet d’intérêt général dûment explicité et décrit dans l’acte devant déclarer l’expropriation d’utilité publique.

[4] –  v. CE, 27/03/1987, Mlle Raphaël : req. n° 58085 : légalité de l’expropriation, en vue de leur suppression, des servitudes grevant le bien acquis par la commune afin de créer un parc des expositions : « Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, d’une part, que l’expropriation des servitudes [contenues dans l’acte de vente par un particulier à la commune a été justifiée] par l’aménagement d’un parc des expositions disposant d’installations permanents et, d’autre part, que le maintien desdites servitudes auraient rendu impossible la construction de cet ensemble qui comportait notamment un bâtiment comprenant 3 salles polyvalents ; que si une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que lorsque les atteintes à la propriété privée et le coût financier qu’elle entraîne ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle comporte, il ressort des pièces du dossier que les atteintes à la propriété privée ont été, en l’espèce, limitées à la suppression des droits réels immobiliers que les consorts Z tenaient de l’acte de vente du 30/12/1976 (…) ».

CE, 20/01/1988, Bouvard : req. n° 61748 : légalité de l’expropriation, en vue de sa suppression, d’une servitude grevant une propriété de la ville afin de lui permettre de réaliser l’agrandissement de sa colonie de vacances et ainsi répondre mieux aux besoins de enfants de la commune.

CABINET DUCOURAU & AVOCATS
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