À propos de l’arrêt CE, 22.09.2022, ferme éolienne de Seigny : req. 455658
L’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme est l’arme fatale dont dispose l’autorité d’urbanisme pour refuser la délivrance d’un permis de construire, que le territoire communal soit ou non couvert par un PLU :
« Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales»
Afin d’éviter la tentation des maires d’y recourir discrétionnairement et surtout de manière abusive, le Conseil d’Etat fixe une grille de lecture de l’art. R. 111-27 encadrant toute dérive subjective. Et ce, par un considérant de principe désormais classique :
« Pour rechercher l’existence d’une atteinte de nature à fonder le refus de PC ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ».
La jurisprudence exclut expressément le recours à la théorie du « coût-avantages » :
« Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé, dans un second temps du raisonnement, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le PLU de la Commune ».
Dans l’espèce soumise au contrôle du Conseil d’État :
Le Préfet de la Côte-d’Or avait refusé de délivrer à la Société Ferme éolienne de Seigny l’autorisation d’exploiter un parc de 5 éoliennes sur le territoire de la Commune de Seigny.
Le Tribunal administratif de Dijon, par jugement du 28.08.2018, a rejeté la demande de la Société tendant à l’annulation de cet arrêté.
Saisie en appel par la Société Ferme éolienne de Seigny, la Cour administrative d’appel de Lyon, par arrêt du 17.06.2021, annule ce jugement ainsi que l’arrêté du 28.10.2016, et enjoint au Préfet de reprendre l’instruction de la demande de la Société.
La Ministre de la transition écologique se pourvoit en cassation.
Dans son arrêt du 22 septembre 2022 :
Le Conseil d’État, après avoir reproduit son considérant de principe, précise sa « grille » prétorienne, comme suit :
« Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l’impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d’autres législations ».
Et le Conseil d’Etat de conclure que la Cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit « en jugeant que le critère de covisibilité avec des monuments historiques ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l’art. R. 111-27 du Code de l’urbanisme en raison de l’implantation du projet en dehors du périmètre de protection résultant des art. L. 621-30 et L. 621-31 du Code du patrimoine ».
Autrement dit, quand bien même le projet d’éoliennes serait hors du périmètre de protection au titre des abords des monuments historiques de la Commune de Seigny de l’art. L. 621-30 du Code du patrimoine – de 500 mètres par défaut –, cette covisibilité doit néanmoins être prise en compte à l’occasion de l’instruction du projet à l’aune de l’art. R. 111-27 du Code de l’urbanisme à caractère d’ordre public.
L’arrêt du 17.06.2021 est donc annulé et l’affaire renvoyée à la Cour administrative d’appel de Lyon qui devra se prononcer sur le fond de l’affaire, à l’aune de la grille R. 111-27 affinée par l’arrêt du 22.09.2022 de la Haute juridiction administrative.
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