À propos de l’arrêt CAA de Marseille, 21.01.2021 : req. n° 19MA01946
L’arrêt rendu le 21.01.2021 livre une articulation du régime du lotissement et du PCVD pour le moins originale voire critiquable.
Plus classiquement et c’est une bonne chose, la Cour administrative d’appel de Marseille confirme la portée prétorienne de l’article L. 421-6 du Code précisant que la délivrance des permis de construire et d’aménager suppose que les travaux projetés soient « conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et l’aménagement de leurs abords ». Qu’au nombre de ces dispositions « dont l’autorité qui délivre le permis de construire doit en vertu de ce texte assurer le respect, figurent celles qui concernent les lotissements. Il suit de là qu’un PC ne peut légalement être légalement délivré pour une construction à édifier sur un terrain compris dans un lotissement non-autorisé ou autorisé dans des conditions irrégulières ».
Les faits en présence :
Madame C. est propriétaire d’une vaste unité foncière d’environ 2.900 m2 supportant une maison d’habitation, cadastrée section E n° 1725, sise à Le Val (83).
Le 7.10.2025, la SAS Safe dépose, avec l’accord de Mme C., un dossier de déclaration préalable (DP) de division en un lot de terrain à bâtir de 2.308 m2, à détacher du fonds E n° 1725.
Le Maire de Le Val s’oppose par arrêté du 5.11.2015 à une telle DP, au motif que cette division doit faire l’objet d’un permis d’aménager (PA).
Un document d’arpentage identifie désormais les 2 nouvelles parcelles section E n° 1901 supportant la maison d’habitation et section E n° 1902 reliquat nu.
Le 29.03.2016, Madame C. vend la parcelle bâtie E n° 1901 provoquant ainsi la division de son unité foncière au sens de la réglementation du lotissement.
Le 20 juin 2016, la SAS Safe, avec l’accord de sa propriétaire Mme C, dépose une demande de permis de construire valant division (PCVD) en 2 lots à bâtir pour 2 villas individuelles sur la parcelle E n° 1902 en Mairie.
Par arrêté du 12.08.2016, le Maire de Le Val refuse le PCVD au visa de l’arrêté d’opposition à la DP du 5.11.2015 et donc de l’article L. 421-6.
Par jugement du 14.02.2019, le Tribunal administratif de Toulon rejette la requête de la SAS Safe tendant à l’annulation de l’arrêté du Mairie refusant la délivrance du PCVD : « le Maire de Le Val était tenu de refuser le PC au motif qu’il n’avait pas été précédé d’un PA ».
La SAS Safe saisit la CAA de Marseille d’un recours en appel.
La CAA de Marseille confirme le jugement du TA de Toulon, par la motivation suivante :
Au visa de l’article L. 442-1 du Code de l’urbanisme, les juges d’appel constatent que par l’effet de la vente de la parcelle bâtie E n° 1901 intervenue le 29.03.2016 et puisque le reliquat E n° 1902 est un terrain nu destiné à être bâti, l’unité foncière de Mme C. a fait l’objet d’une opération de lotissement devant être soumise au contrôle de l’autorité d’urbanisme, préalablement à l’instruction de toute demande de PC.
Reste à déterminer le régime de contrôle dudit lotissement en un lot de terrain à batir : DP ou PA ?
Selon la CAA de Marseille, et au vu notamment « du plan joint à la demande d’autorisation de voirie déposée par la SAS Safe auprès du département du Var », la division foncière « impliquait le déplacement de la voie de desserte existante de l’ancienne parcelle section E n° 1725 et l’aménagement d’une desserte commune, depuis la RD 534, de trois lots, le lot à bâtir existant et 2 lots à bâtir ».
Et les juges d’appel de conclure que « la division constitutive d’un lotissement prévoyait ainsi l’aménagement d’une voie commune à plusieurs lots destinés à être bâtis, et devait être précédée dès lors d’un permis d’aménager » conformément aux exigences de l’article R. 421-19 du Code de l’urbanisme.
Puisque et au visa de l’article L. 421-6 du Code de l’urbanisme, « la parcelle d’assiette du projet de PCVD en litige, cadastrée E n° 1902, est comprise dans un lotissement devant faire l’objet d’un PA. En l’absence d’un PA, le PC ne pouvait pas être légalement délivré et le Maire de la Commune de Le Val était tenu de le refuser »
Si nous partageons évidemment l’articulation : « absence d’autorisation de lotir = impossible délivrance de PC », nous sommes étonnés par l’analyse en présence à propos de la nécessité que l’opération de division en présence soit couverte par un PA.
Selon nous, l’opération de division de l’unité foncière de Madame C. supposait une DP avec travaux, et non un PA.
En premier lieu, l’article L. 442-1 du Code de l’urbanisme, cité par l’arrêt de la CAA, définit le lotissement comme « la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière (…) ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ».
Aucune disposition relative au lotissement n’interdit la possibilité ou le droit, pour un lotisseur, de créer un ou plusieurs macro-lots de lotissement pouvant supporter un programme immobilier de plusieurs bâtiments notamment à destination d’habitation.
Dans la mesure où le projet de Mme C. consiste à détacher de son unité foncière bâtie un seul et unique macro-lot de terrain à bâtir, pourquoi s’intéresser à l’opération de construction-division au stade de la purge « lotissement » ?
Pourquoi et sur quel fondement textuel le Maire, puis le juge, partent du postulat d’une opération de division en trois lots – 1 bâti et 2 à bâtir – ?
L’opération de division en présence porte sur un macro-lot à bâtir et un lot de terrain bâti.
Sur le principe, le terrain bâti est exclu du périmètre du lotissement (art. R. 442-1 e) du Code de l’urbanisme), mais il peut être intégré dans le périmètre du lotissement unilot par l’effet des prescriptions de l’article L. 442-1-2 du Code : « Le lotisseur peut toutefois choisir d’inclure dans le périmètre du lotissement des parties déjà bâties de l’unité foncière concernée ».
Rappelons que ce même article L. 442-1-2 précise que « le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l’implantation de bâtiments, ainsi que, s’ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots ».
À l’aune des termes de l’arrêt rendu le 21.01.2021 par la CAA de Marseille, il apparaît que le macro-lot de terrain à bâtir sur lequel la SAS Safe projette l’édification d’un groupe de 2 maisons individuelles d’habitation, et le lot bâti vendu par Mme C en 2016, doivent être desservis par une seule et même nouvelle voie privée commune devant déboucher sur la RD 534.
À ce stade, il apparait que lotissement en un macro-lot de terrain nu devant supporter un groupe de 2 bâtiments doit être desservi par une voie privée devant également desservir le lot bâti détaché de l’unité foncière de référence propriété de Mme C.
Mme C lotisseur est donc amenée à choisir d’intégrer le lot bâti dans le périmètre de son lotissement.
Nous sommes donc en présence d’un lotissement en 2 lots : 1 bâti et 1 macro-lot à bâtir, avec une voie de desserte commune à ces 2 lots.
En deuxième lieu, l’article L. 442-2 énonce qu’« en fonction de la localisation de l’opération ou du fait que l’opération comprend ou non la création de voies, d’espaces ou d’équipements communs » l’article R. 421-19 précise les cas dans lesquels la réalisation d’un lotissement doit être précédée d’un permis d’aménager.
Dans les autres, le lotissement est soumis au régime de la « déclaration préalable de division ».
Intéressons-nous donc aux dispositions de l’article R. 421-19 reproduites par la CAA. Sont soumis à PA les lotissements prévoyant « la création ou l’aménagement de voies, d’espaces ou d’équipements communs à plusieurs lots destinés à être bâtis et propres au lotissement ».
En l’espèce, si le lotissement suppose l’aménagement d’une voie de desserte commune aux 2 lots en présence : 1 bâti et 1 macro-lot à bâtir, ce lotissement n’entre pas dans le champ d’application du PA. Il s’agit d’un lotissement DP.
Car, contrairement à une opinion largement étendue – et sans fondement textuel – selon laquelle les lotissements DP seraient obligatoirement des lotissements sans travaux, la configuration sus-décrite confirme bien qu’un lotissement DP peut impliquer pour le lotisseur la réalisation de travaux, tels que l’aménagement d’une voie de desserte commune à 1 seul lot ou macro-lot de terrain à bâtir et à 1 lot bâti que le lotisseur a choisi d’intégrer dans le périmètre de son lotissement.
Dès lors que la voie de desserte du lotissement vise la desserte que d’un seul lot à bâtir, point de PA mais une DP avec travaux.
En troisième lieu et à toutes fins utiles, il importe de préciser que l’opération de division en présence ne pouvait bénéficier du régime de la « division primaire » de l’article R. 442-1 a) du Code de l’urbanisme, puisque la constructibilité du macro-lot à bâtir est conditionnée par l’aménagement d’une voie de desserte à la charge du lotisseur.
En conclusion, selon nous le jugement du TA de Toulon et l’arrêt de la CAA de Marseille sont critiquables quant à leur motivation juridique en matière de lotissement.
Mais la principale critique doit être opposée au lotisseur – Madame C. – qui a failli dans la détermination du périmètre idoine de son lotissement et des équipements inhérents à ce dernier.
Pour que son opération de division passe le contrôle du lotissement, il suffisait que Madame C. ou son mandataire dépose en Mairie un dossier de DP en 2 lots – 1 bâti et 1 macro-lot à bâtir – avec une voie de desserte commune à ces deux lots devant être aménagée par le lotisseur.
Une telle opération de lotissement DP ne pouvait valablement et légalement être rejetée par le Maire de Le Val.
Une fois le lotissement DP avec travaux de voirie autorisé tacitement ou expressément par le Maire, il suffisait au coloti SAS Safe de déposer, sur le macro-lot à bâtir, son PCVD qui, aurait pu être délivré alors que les travaux de voirie ne seraient toujours pas déclarés achevés et conformes à l’arrêté de DP …
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