À propos de la Rép. min. Q. n° 08627, JO Sénat du 31.01.2019
La tentation est forte pour les personnes publiques de chercher à fuir la lourdeur et la pesanteur des contrats de la commande publique, régis par le Code éponyme.
Et le mécanisme de la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) est un véritable aimant …
Dans les années 80 et 90, nombre de collectivités et d’EPCI ont trouvé judicieux et confortable d’acquérir en VEFA leur Hôtel de Région ou le siège de leur organe délibérant.
Par un arrêt de principe du 8.02.1991, Région Midi-Pyrénées, le Conseil d’Etat stoppe net le montage :
« Que si aucune disposition législative n’interdit aux collectivités publiques de procéder à l’acquisition de biens immobiliers en utilisant le contrat de VEFA prévu à l’art. 1601-3 du Code civil », il n’en demeure pas moinsque ces collectivités publiques « ne sauraient légalement avoir recours à ce contrat de vente de droit privé, dans lequel l’acheteur n’exerce aucune des responsabilités du maître de l’ouvrage et qui échappe tant aux règles de passation, notamment aux règles de concurrence, prévues par le Code des marchés, qu’au régime d’exécution des marchés de travaux publics, lorsque, comme en l’espèce, l’objet de l’opération est la construction même pour le compte de la collectivité d’un immeuble entièrement destiné à devenir sa propriété et conçu en fonction de ses besoins propres »
CE, 8.02.1991 : req. n° 57.679 ; v.également CE, 14.05.2008 : req. n° 280370
Dans les années 2000, le portage public-privé se veut plus subtil.
Plus question d’acquérir en VEFA, il suffit d’être locataire d’un promoteur privé.
Le montage décrit par la question n° 08627 de la Sénatrice Vermeillet est le suivant : « il est de plus en plus courant qu’une personne morale de droit public, dans l’incapacité de rénover un bâtiment qui n’est plus aux normes à un coût raisonnable pour la collectivité, soit démarchée directement pas un prestataire privé pour envisager une construction neuve sur un site voisin ». Et le Ministère des solidarités et de la santé de surenchérir en décrivant les montages de construction ou reconstruction d’EHPAD en présence :
« acquisition d’un terrain foncier, puis VEFA à un investisseur privé lequel loue le bâtiment à un gestionnaire public par un contrat de bail ». Le tout, bien évidemment, sans procéder aux formalités de publicité et de mise en concurrence …
Sans grande surprise, le Ministère met en garde les établissements publics sociaux et médico-sociaux.
L’art. L. 1111-2 du Code de la commande publique définit le « marché public de travaux » comme « la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par le pouvoir adjudicateur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception ».
Il est évident que le constructeur-bailleur édifie et loue un « EHPAD » avec toutes les exigences matérielles et technique que cela suppose pour l’établissement public exploitant. L’immeuble pris à bail tombe inévitablement sous le coup de la définition de l’art. L. 1111-2 …
Le fait que l’opération soit scindée en deux contrats distincts, ne saurait « faire échec à cette requalification, le juge s’attachant à vérifier si la personne publique gestionnaire, sans jouer le rôle de maitre d’ouvrage, a eu ou non une influence déterminante sur cette opération ». Tel est le sens de la jurisprudence de la CJUE.
Dans l’affaire C-536/07 du 29.10.2009, la Cour juge que le contrat passé entre une entité publique et une entreprise privée portant sur la location, à la première, de halls d’exposition à construire par la seconde, pendant trente ans, relève un manquement à la Directive 93/37/CEE « marchés publics de travaux ».
Il en va de même dans l’affaire C-213-13 du 10.07.2014 : la Directive précitée « doit être interprétée en ce sens qu’un contrat qui a pour objet principal la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins exprimés par le pouvoir adjudicateur constitue un marché public de travaux ».
Le Ministère appelle donc les personnes publiques gestionnaires d’EHPAD ou d’autres catégories d’établissements sociaux et médico-sociaux à la vigilance « quant au respect des règles de la commande publique s’appliquant aux marchés publics de travaux lorsqu’elles sont amenées à réaliser des opérations de construction d’établissement ou de rénovation des bâtiments ».
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