Concours entre police spéciale et police générale

À propos de la décision du Conseil d’Etat du 17.04.2020 : n° 440057

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, introduit, dans le Code de la santé publique, les nouveaux articles L. 3131-12 à L. 3131-30, puis déclare l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur.

Par décret n° 2020-293, également signé le 23 mars 2020, le Premier ministre prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Le législateur a donc institué une police spéciale nationale donnant aux autorités de l’Etat – Premier ministre, Ministre chargé de la santé, Préfets – la compétence d’édicter les mesures générales et/ou individuelles devant mettre fin à la catastrophe sanitaire covid-19, tout en assurant « compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire concerné », ainsi que le pouvoir de « les adapter en fonction de l’évolution de la situation ».

Si les Maires bénéficient du pouvoir de police générale municipale d’« assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » et « le soin de prévenir (…) et de faire cesser (…) les maladies épidémiques ou contagieuses » sur le territoire communal(art. L. 2212-1 et L. 2122-2 du CGCT), le Conseil d’Etat rappelle sa nécessaire articulation avec la police spéciale « covid-19 » au considérant 6 de son ordonnance :

  • « Les art. L. 2212-1 et L. 2212-2 du CGCT (…) autorisent le Maire, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune. Le Maire peut, le cas échéant, à ce titre, prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat, notamment en interdisant, au vu des circonstances locales, l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements »
  • « En revanche, la police spéciale instituée pour le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le Maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat ».

Autrement dit, le Conseil d’Etat consacre la concurrence de principe entre la police spéciale et la police générale :

Les Maires sont en droit d’intervenir pour garantir, sur le territoire de leur Commune, la mise en œuvre des mesures prescrites par le décret du 23 mars 2020 du Premier ministre. À savoir, l’interdiction « en dernier lieu jusqu’au 11 mai 2020, de tout déplacement de personne hors de son domicile à l’exception de certains déplacements pour les motifs qu’il énumère et en évitant tout regroupement ».

Par contre, ils ne sauraient légalement arrêter des mesures non-imposées et non-prévues par le décret du 23 mars, telles que le port obligatoire de masques de protection buccal et nasal, dans tout ou partie de l’espace public :

  • D’une part, « susceptibles de compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale », puisque que le décret préconise « une stratégie de gestion et d’utilisation maîtrisée des masques ayant été mise en place à l’échelle nationale afin d’assurer en priorité leur fourniture aux professions les plus exposées » ;
  • D’autre part, non-exigées « par des raisons impérieuses propres à la Commune ».

Pour être légales les mesures de police générale doivent donc s’articuler avec celles de police spéciale, afin d’en assurer la mise en œuvre sur le territoire communal.

Mais en aucun cas, imposer des contraintes ou interdictions nouvelles à moins de s’appuyer sur des particularités ou spécificités locales.

L’ordonnance du 17 avril 2020 rejette la Requête de la Commune de Sceaux et confirme les termes de l’ordonnance n° 2003905 du 9.04.2020 du juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise suspendant l’arrêté du 6 avril 2020 qui subordonne les déplacements dans l’espace public des personnes de plus de 10 ans, au port d’un dispositif de protection buccal et nasal.

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