Deux arrêts rendus le 8 et le 9 février 2017 révèlent que, par la lecture des dispositions législatives opposables dans chacune des espèces soumises à leur contrôle, les Hautes juridictions françaises participent à la lutte contre la consommation excessive des espaces identifiés « agricoles » par les documents locaux d’urbanisme.
1°/ Le Conseil d’Etat (req. n° 395.464, Min. du logement et de l’habitat c/ Sté Photosol) précise, au visa de l’article L. 421-6 et de l’avant-dernier alinéa de l’ancien article L. 123-1 du Code de l’urbanisme – codifié sous le 1° de l’actuel article L. 151-11 – :
« (…) il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’apprécier si le projet permet l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d’implantation du projet ». Et ce, « au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du PLU ou, le cas échéant, auraient vocation à s’y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l’emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux ».
En l’espèce, le Préfet de l’Eure-et-Loire a refusé de délivrer à la société Photosol le permis de construire un parc (ou champ) photovoltaïque sur des parcelles classées en zone « A » par le PLU, au motif que l’ampleur du projet « photovoltaïque » affecterait significativement l’activité agricole du terrain d’implantation.
Si le Tribunal administratif d’Orléans conforte la décision du Préfet en rejetant le recours en annulation intenté par la société Photosol, la Cour administrative d’appel de Nantes annule le jugement du Tribunal administratif et enjoint le Préfet à un nouvel examen du dossier de permis de construire.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes pour erreur de droit.
Cette dernière n’a pas recherché si « en l’espèce, compte tenu de la disparition des cultures céréalières précédemment exploitées et des activités ayant vocation à se développer sur les parcelles considérées, le projet [de parc photovoltaïque] permettait le maintien sur le terrain d’implantation (…) d’une activité agricole significative ».
Autrement dit, la combinaison des articles L. 421-6 et L. 151-11 du Code de l’urbanisme impose à l’administration et, le cas échéant, au juge du fond d’apprécier l’impact du projet de construction sur la conservation d’une activité agricole.
La délivrance d’une autorisation de construire sur des terres agricoles classées en zone A par le PLU suppose donc la garantie de la conservation d’une activité agricole « significative » – et non anecdotique – sur l’assiette foncière du projet de construction.
Le Conseil d’Etat met donc un sérieux frein à l’implantation des champs photovoltaïques sur les terres agricoles classées « A » par les PLU, alors même qu’ils constituent des équipements collectifs …
2°/ La 3ème chambre civile de la Cour de cassation (pourv. n° 15-24320 ; publié au Bull. civ. III) donne quant à elle une lecture on ne peut plus rigoureuse et « fermée » de l’alinéa 1er de l’article L. 411-32 du Code rural et de la pêche maritime.
Ce dernier prévoit que :
« Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail [rural à long terme] sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d’un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ».
Par acte du 25/04/2007, Monsieur X. donne à bail à long terme à Monsieur et Madame Y. un domaine agricole.
Le 20/05/2010, la Commune de Rampan adopte une Carte communale qui, en vertu de l’article L. 124-2 du Code de l’urbanisme (actuel L. 161-4) inclut l’une des parcelles couverte par le bail rural en zone « constructible à vocation d’habitat » destinée à accueillir « une opération de type lotissement ».
Par acte du 30/05/2012, le bailleur notifie aux preneurs la résiliation partielle du bail à l’égard de la parcelle cadastrée section C n° 36 située dans la zone constructible de la carte communale.
L’arrêt du 19 juin 2015 par lequel la Cour d’appel Caen accueille la demande d’annulation de la résiliation partielle de leur bail, conduit Monsieur X. à se pourvoir en Cassation.
De prime abord, l’arrêt de la 3ème chambre civile peut surprendre.
Plutôt que de simplement rejeter le pourvoi au motif « erroné » que le document local d’urbanisme « Carte communale » ne peut légalement tenir lieu ou être assimilé à un PLU – v. notamm. en ce sens : CE, 20/03/2013 : req. n° 349.807, tables Lebon –, la Cour de cassation choisit de conditionner la régularité de l’acte de résiliation au caractère effectivement « urbain » ou « constructible » de la parcelle C n° 36 …
Autrement dit, la Cour de cassation affirme que le motif selon lequel le document d’urbanisme « Carte communale » tiendrait lieu de PLU est certes « erroné » mais non moins « surabondant ».
« Surabondant » car, elle a décidé d’affiner les conditions de l’article L. 411-32.
Il ne suffit pas qu’un document d’urbanisme « décide » que tel ou tel secteur est classé « urbain », il faut que matériellement, techniquement ce secteur soit effectivement « ouvert à l’urbanisation ».
Faute pour la parcelle C n° 36 d’être viabilisée et desservie par les réseaux publics « alors qu’elle était destinée, selon la Carte communale, à accueillir une opération de type lotissement », la Cour d’appel « en a justement déduit que l’acte de résiliation [du bail rural] devait être annulé pour défaut d’autorisation préalable [de l’autorité administrative].
Quelle aurait été la position de la 3ème chambre civile si la parcelle C n° 36 avait effectivement et techniquement été apte à la construction ?
Aurait-elle rejeté le pourvoi du bailleur au motif que la Carte communale n’est pas un document d’urbanisme tenant lieu de PLU ?
Vraisemblablement !
Car, dans une telle configuration, le motif erroné assimilant une Carte communale à un PLU n’aurait plus été « surabondant » …
La Cour de cassation insiste donc sur le fait que le classement en zone urbaine d’un PLU doit obligatoirement s’accompagner de l’équipement et de la viabilisation publique des parcelles composant ladite zone.
Ce n’est qu’à cette double condition juridique et technique que le propriétaire-bailleur peut légalement résilier tout ou partie du bail rural sur le fondement de l’article L. 411-32.
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