L’article L. 151-41 du Code de l’urbanisme prévoit que « le règlement [du PLU] peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués :
1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ;
2° Des emplacements réservés aux installations d’intérêt général à créer ou à modifier ;
3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques ;
4° Dans les zones urbaines [« U »] et à urbaniser [« AU »], des emplacements réservés en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu’il définit ;
5° Dans les zones urbaines [« U »] et à urbaniser [« AU »], des servitudes interdisant, sous réserve d’une justification particulière, pour une durée au plus de 5 ans dans l’attente de l’approbation par la commune d’un projet d’aménagement global, les constructions ou installations d’une superficie supérieure à un seuil définit par le règlement. Ces servitudes ne peuvent avoir pour effet d’interdire les travaux ayant pour objet l’adaptation, le changement de destination, la réfection ou l’extension limitée des constructions existantes »
L’article L. 151-41 fixe donc la liste des servitudes d’utilité publique pouvant grever tout ou partie d’une propriété – privée et/ou publique – et instaurées par la collectivité communale ou intercommunale à l’occasion de l’élaboration ou de la révision d’un PLU.
Cette prérogative exorbitante du droit commun trouve certes sa justification dans la satisfaction de l’intérêt public, mais n’en est pas moins attentatoire à l’un des attributs essentiels du droit de propriété : le droit de construire.
En contrepartie des effets réels de cette servitude d’utilité publique, le législateur reconnaît au propriétaire un « droit de délaissement ».
À savoir, selon les termes de l’article L. 152-2 du Code de l’urbanisme, le droit pour « le propriétaire d’un terrain bâti ou non bâti (…) [d’]exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu’il soit procédé à son acquisition dans les conditions et délais mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants ».
Les articles L. 230-1 et s. fixent donc le régime du droit de délaissement dont bénéficient les propriétaires de terrains grevés d’un emplacement réservé par le PLU.
Procédure du droit de délaissement légalement ouvert aux propriétaires de biens classés « emplacement réservé »
Le propriétaire supportant un classement « emplacement réservé » a deux options :
Soit il accepte de voir son bien mis sous la cloche « inconstructibilité », inhérente à l’emplacement réservé.
Le propriétaire attend donc que la collectivité se rapproche de lui, le moment venu, pour procéder à son acquisition, aux fins de rendre matériellement possible l’opération d’équipement public à l’origine du classement.
Soit le propriétaire refuse de subir l’impossibilité de construire inhérente audit classement. C’est pourquoi il met en demeure la collectivité publique de procéder à l’acquisition de son bien.
La mise en demeure est adressée par le propriétaire à la mairie de la commune où se situe le bien (L. 230-1, al. 2) et enjoint la collectivité publique à « se prononcer dans le délai d’un an à compter de sa réception » (al. 1er article L. 230-3).
Mise en œuvre du droit de délaissement. 2 situations peuvent se présenter :
- Soit le propriétaire et la collectivité trouvent un accord amiable dans la période d’un an de l’article L. 230-3.
Dans ce cas, « le prix d’acquisition doit être payé au plus tard 2 ans à compter de la réception en mairie de cette demande » (al. 2, L. 230-3).
Puisque le droit de délaissement est, selon les termes de la décision du Conseil Constitutionnel du 21 juin 2013 (DC n° 2013-325), une « réquisition d’achat à l’initiative des propriétaires de ces terrains » leur reconnaissant « le droit d’imposer à la collectivité publique, soit d’acquérir le terrain réservé, soit de renoncer à ce qu’il soit réservé » ;
Et puisque la combinaison des articles 1582 et 1583 du Code civil permet d’affirmer que « l’accord amiable » entre la Commune et le propriétaire-délaissant vaut « vente » ;
Dès lors, la commune défaillante – non-versement du prix dans les termes de l’al. 2 de l’art. L. 230-3 – peut se voir assignée devant le TGI en réalisation forcée de la vente …
à moins que l’ancien propriétaire-délaissant renonce à une telle assignation et exige la rétrocession de son bien accompagné de la renonciation à la réserve.
Obs. : La loi ALUR a inséré un dernier alinéa à l’article L. 230-3 du Code de l’urbanisme.
Alinéa « nouveau » en vertu duquel : « L’acquisition d’un terrain situé en emplacement réservé peut, avec l’accord de la personne publique au bénéfice de laquelle la réserve est inscrite au PLU, être réalisée par une autre personne publique ou le titulaire d’une concession d’aménagement, la destination de l’ER restant inchangée ».
- Soit le propriétaire et la collectivité publique NE trouvent PAS d’accord amiable au cours de la période d’un an.
Dans ce cas, 2 possibilités
- 1ère hypothèse : Le propriétaire ou la collectivité publique, saisit le juge de l’expropriation en vue de prononcer le transfert de propriété et fixer le prix de l’immeuble.
L’alinéa 3 de L. 230-3 précise que, dans ce cas, « ce prix, y compris l’indemnité de remploi, est fixé et payé comme en matière d’expropriation, sans qu’il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement ».
Autrement dit, et comme est venu le préciser le Conseil Constitutionnel dans sa décision en réponse à la QPC relative à la conformité aux droits et libertés de l’article L. 123-9 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue loi 1976 (décision n° 2013-325, précitée), « le terrain [est] considéré comme ayant cessé d’être compris dans un emplacement réservé », c’est pourquoi l’indemnité est fixée « comme en matière d’expropriation ».
- 2nde hypothèse : Le juge de l’expropriation n’est pas saisi.
L’article L. 230-4 du Code urbanisme prévoit que « les limitations au droit de construire et la réserve ne sont plus opposables si le juge de l’expropriation n’a pas été saisi 3 mois après l’expiration du délai d’un an mentionné à l’article L. 230-3 ».
Sachant que « cette disposition ne fait pas obstacle à la saisine du juge de l’expropriation au-delà de ces 3 mois dans les conditions prévues au 3ème alinéa de l’article L. 230-3 » (à savoir, en cas de défaut d’accord amiable propriétaire – collectivité publique).
Autrement dit, passé le délai de délaissement + 3 mois, sans accord sur le prix et sans saisine du juge expropriation, le bien se trouve libéré de la chape « emplacement réservé ».
La collectivité publique ayant opéré le classement du terrain considéré est réputée avoir renoncé à la réserve grevant le terrain. Ce classement « emplacement réservé » devient, en quelque sorte, obsolète.
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