La force majeure dans l’exécution des contrats d’occupation du domaine public

À propos de CE, 4.10.2021, Sté OM c/ Commune de Marseille : req. n° 440.428 Lebon

Les faits :

Comme le relate l’arrêt du Conseil d’Etat, le 1er.07.009, la Mairie de Marseille conclut avec la Société professionnelle OM une convention de mise à disposition du Stade Vélodrome, valable pendant la période du 1.07.2009 au 30.06.2011, en vue de l’organisation des rencontres de football programmées du club de l’OM.

Parallèlement, la Mairie de Marseille signe avec la Société Live Nation France, une convention de mise à disposition exceptionnelle de ce même Stade, pour la période du 15 au 21.07.2009, en vue de l’organisation du concert de Madonna.

Le 16.07.2009, au cours des opérations de montage de la scène du spectacle, sa structure métallique s’effondre occasionnant le décès de deux personnes.

Le match de football prévu le 16.08.2009 entre l’OM et le LOSC a dû être délocalisé au stade de la Mosson, à Montpellier.

La Société OM demande à la Commune de Marseille de lui verser la somme de 1.003.325 euros en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’indisponibilité du stade Vélodrome : perte de recettes notamment VIP, frais de déplacement et d’hébergement pour ses salariés et stadiers, achat d’encarts publicitaires pour informer le public de la délocalisation du match, frais de location du stade de la Mosson, recrutement de guichetiers à Montpellier, …

La Commune s’y refusant, un long contentieux a opposé les parties en présence.

Sur le fond :

Après avoir exposé la décision du Conseil d’Etat dans son arrêt du 4.10.2021 (I/), nous reviendrons sur la qualification des stades municipaux, tels que le Stade Vélodrome de Marseille, comme biens du domaine public, et donc sur la qualification de convention d’occupation domaniale liant la Commune de Marseille à la Société OM (II/).

I/ Selon l’arrêt de la Haute juridiction administrative rendu le 4.10.2021, la Commune de Marseille a manqué à ses obligations contractuelles, en ne mettant pas le stade Vélodrome à disposition de la Société OM pour la rencontre sportive prévue pour le 16.08.2009.

Aucun cas de force majeure exonératoire de la responsabilité contractuelle de la Mairie ne peut être revendiqué puisque « l’indisponibilité du stade, bien qu’elle résulte de fautes commises par la société Live Nation France et les sous-traitants de cette dernière dans le montage de la structure scénique, n’aurait pu survenir sans la décision initiale de la Commune de Marseille de mettre le stade Vélodrome à disposition de cette société pour l’organisation d’un concert».

Le Conseil d’Etat juge donc que l’effondrement accidentel de la structure scénique n’est pas totalement étranger et extérieur à la Commune. Par voie de conséquence, point de force majeure.

La Commune de Marseille est donc condamnée à verser à la Société OM, « à titre d’indemnité, une somme qu’il y a lieu de fixer à 461.887 euros assortis des intérêts au taux légal ».

La Société Live Nation France est, quant à elle, appelée en garantie pour verser à la Commune « le montant total des sommes mises à sa charge par la présente décision ».

II/ Quid de l’intervention de la justice administration dans le contentieux de responsabilité contractuelle en présence.

Pourquoi le juge administratif est-il compétent dans un tel contentieux contractuel ?

Qu’est-ce qui lui permet de qualifier la convention de mise à disposition du stade Vélodrome de contrat administratif ?

Ce sont toutes ces questions qui se posent en lisant l’arrêt du Conseil d’Etat.

Alors que le CGPPP n’est pas expressément visé par l’arrêt du Conseil d’Etat, nous supposons que le contentieux de responsabilité contractuelle en présence lui revient par l’effet des prescriptions de l’article L. 2331-1 :

« Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 

1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; 

(…) »

À moins que la qualification de contrat administratif – et donc la compétence du juge administratif – résulte de la présence de clauses exorbitantes …

Nous l’ignorons.

Quoi qu’il en soit, il est intéressant de se questionner sur la qualité du stade municipal du Vélodrome : domaine privé ou domaine public de la Commune de Marseille ?

L’article L. 2111-1 du CGPPP affirme que :

« le domaine public d’une personne publique (…) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public »

Le stade, propriété de la Commune de Marseille, est affecté prioritairement à l’accueil des compétitions professionnelles de l’OM et d’autres compétitions sportives tout aussi professionnelles.

L’affectation prioritaire à la pratique du football se traduit par l’obligation d’accueillir les matches de l’équipe de l’OM. Soit, la pratique du sport « spectacle » par les professionnels du club résident. Il est donc difficile d’y voir une activité de service public, ni même une activité de développement de la pratique sportive. Or, c’est sous cette dernière forme, seulement, que le Conseil d’Etat reconnait l’existence d’un service public dans la gestion d’un stade municipal (CE, 13.07.1961, Ville de Toulouse c. TFC).

Il est également difficile d’affirmer que le stade Vélodrome est, au sens de l’article L. 2111-1, affecté à « l’usage direct du public », dès lors qu’il n’accueille que des spectateurs et supporters.

Quant aux spectacles – tels que le concert de Madonna – ponctuellement organisés dans l’enceinte du stade, ils ne poursuivent aucun but d’intérêt général et donc aucune activité de service public …

À ce stade de l’exposé, la question de la domanialité publique du Stade Vélodrome est posée.

La réponse, et donc l’explication de l’intervention de la justice administrative, résiderait dans le fait que le stade Vélodrome aurait acquis sa qualité de bien du domaine public ab initio, lors de sa construction au milieu des années 30, en tant qu’enceinte municipale omnisports.

En vertu de l’article L. 2141-1 du CGPPP, un bien d’une personne publique qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public, à la stricte condition qu’une délibération expresse prescrive son déclassement.

La désaffectation matérielle d’un bien domanial doit donc être accompagnée de son déclassement juridique.

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