L’incrimination « délit de favoritisme » de l’article 432-14 du Code pénal vise tous les marchés publics et devrait viser tous les contrats de concession (Cass. crim., 17/02/2016 : pourv. n° 15-85.363)

« France Télévisions » est une société anonyme investie d’une mission de service publique, financée et contrôlée par l’Etat. Elle est, au sens de l’article 1er de l’ordonnance de juin 2005 (v. infra), un « pouvoir adjudicateur » soumis à l’obligation de respecter « les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

le Syndicat national des personnels de la communication et de l’audiovisuel CFE-CGT (SNPCA-CFE-CGC) s’est constitué partie civile contre les dirigeants de France Télévisions du chef d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics. Il les accuse d’avoir conclu, avec plusieurs prestataires dont la société Bygmalion, de nombreux marchés de services sans mise en concurrence préalable.

La question soumise à la chambre criminelle de la Cour de cassation était la suivante :

Le délit de favoritisme de l’article 432-14 du Code pénal, sanctionnant le non-respect des principes fondamentaux de la commande publique couvre-t-il stricto sensu les « marchés publics » du Code des marchés publics, ou bien englobe-t-il toutes les opérations qualifiables de « marché publics » qu’elles relèvent ou non du Code éponyme ?

Sans grande surprise, l’arrêt du 17/02/2016 (pourvoi n° 15-85.363) retient la seconde branche de l’alternative.

Il résulte des termes de l’article 432-14 du Code pénal « qu’il s’applique à l’ensemble des marchés publics et non seulement aux marchés régis par le Code des marchés publics, lequel a été créé postérieurement à la date d’entrée en vigueur dudit article dans sa rédaction actuelle ».

A l’époque des faits – entre 2008 et 2011 –, deux textes régissent le droit des marchés publics :

  • le traditionnel et classique « Code des marchés publics », opposable aux pouvoirs adjudicateurs « publics » : l’Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux ;
  • ainsi que, l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés publics par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics, née de la pression des instances Communautaire sur l’Etat français.

La combinaison des articles 3 et 6 de l’ordonnance 2005 impose aux organismes de droit privé créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général et soumis soit au financement, soit au contrôle, soit à la désignation d’une partie des membres de leur organe d’administration, de direction ou de surveillance par un « pouvoir adjudicateur », l’obligation de respecter « les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

Au plus tard le 1er avril 2016, les atermoiements judiciaires seront balayés par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, relative aux marchés publics. Cette dernière fusionne, tout en les abrogeant, le Code des marchés publics et l’ordonnance de juin 2005.

L’article 9 de l’ordonnance marchés publics énonce que « les acheteurs publics ou privés soumis à la présente ordonnance sont les pouvoirs adjudicateurs (…) définis [à l’article 10] ».

Quant à l’article 10 de l’ordonnance de 2015 il fusionne, tout en en simplifiant la formulation, l’article 2 du Code des marchés publics et l’article 3 de l’ordonnance de juin 2005.

Ainsi, au 1er avril 2016, deux pouvoirs adjudicateurs seront visés par un texte unique :

« 1° Les personnes morales de droit public ;

2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :

  1. Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
  2. Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
  3. Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur»

 Si le Code pénal sanctionne les atteintes à la liberté d’accès et d’égalité des candidats de tous les marchés publics et anticipe ainsi l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 juillet 2015, marchés publics ; le toilettage de son article 432-14 demeure incontournable.

En effet, la réforme du droit de la commande publique française s’articule autour de deux ordonnances : l’ordonnance marchés publics de juillet 2015 et l’ordonnance n° 2016-65 du 29/01/2016, concessions publiques.

Or, sauf à assimiler les « concessions » aux « délégations de service public » seules visées par l’article 432-14 du Code pénal – contorsion juridique quelque peu poussive –, le législateur sera amené à expressément reconnaître le délit de favoritisme en cas de non-respect du droit des concessions. Plus exactement, de « toutes » les concessions, tant celles couvertes par l’ordonnance de janvier 2016, que les « concessions d’aménagement » régies par le Code de l’urbanisme qui, à ce jour, échappent à la loi pénale.

Le projet de loi « Sapin II », sur la transparence de la vie économique, qui doit être présenté en Conseil des ministres fin mars devrait, selon toute vraisemblance, intégrer la modification de l’article 432-14 …

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