La collectivité communale doit gérer son patrimoine en « bon père de famille » …
Le juge administratif – conforté en ce sens par le juge constitutionnel[1] – pose le principe selon lequel les collectivités publiques ne peuvent, sans commettre un détournement de pouvoir, procéder à des libéralités qui, par essence, ne répondent qu’à un pur intérêt privé[2]
Plus largement, les collectivités publiques ne peuvent valablement et en principe céder leurs biens pour un prix inférieur à leur valeur vénale.
Elles se doivent, au nom de leur intérêt public, de les vendre au juste prix, sans pour autant être tenues de donner préférence au mieux offrant.
Dans une espèce commune de Cestas[3], la Haute juridiction administrative a en effet considéré que le conseil municipal de Cestas avait, sans vicier sa délibération de détournement de pouvoir, valablement pu vendre son terrain à une famille présentant un avantage pour la bonne exploitation du bien puisque « déjà installée à Cestas et y exploitant des terres ». Et ce, quand bien même d’autres prétendants acquéreurs auraient proposé un montant supérieur.
Selon le Conseil d’Etat un tel choix était dicté par la satisfaction de l’intérêt général et ne méconnaissait pas le principe d’égalité entre les citoyens.
Enfin, comme le rappelle le Commissaire du Gouvernement L. Touvet[4], « il n’est pas interdit à une collectivité publique de savoir négocier et d’obtenir un bon prix des biens dont elle a décidé de se séparer ».
À ce stade des développements, la collectivité publique qui décide d’aliéner certains biens immobiliers de son patrimoine, doit au nom de la satisfaction de son intérêt général les vendre au meilleur prix quitte à pouvoir discrétionnairement choisir l’acquéreur si ce choix ne porte pas atteinte au principe d’égalité entre les administrés.
Cependant et malgré tout ce qui précède, une collectivité publique va pouvoir valablement aliéner l’un de ses biens pour un prix inférieur à sa valeur – dans le cadre d’une vente à l’euro symbolique ou d’une cession à titre gratuit –, à la stricte condition que cette cession « soit justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes »[5].
Sachant que lorsque l’acquéreur bénéficiaire de telles « largesses » est une « entreprise »[6], la commune doit se conformer aux termes de l’article L. 1511-3 et R. 1511-1 et s. du Code général des collectivités territoriales (CGCT) fixant le régime juridique des « aides économiques à l’immobilier » : règles de zonage et de plafond.
[1] – DC des 25/26 juin 1986.
[2] – v. CE, 6/03/1914, Syndicat de la boucherie de la ville de Châteauroux : Lebon p. 308 ; CE, 25/11/1927, Sté des établissements Arbel : Lebon p. 1114.
[3] – CE, 12/06/1987 : req. n° 71.507-71.961 ; Lebon tables p. 629.
[4] – Conc. sur CE, 3/11/1997, Cne de Fougerolles ; RFDA 1998, p. 12 et s.
[5] – v. notamment, CE, 3/11/1997, Cne de Fougerolles : req. n° 169.473 ; CAA de Bordeaux, 8/11/2005, Cne de Cazères : req. n° 02BX00744 ; et plus récemment, CE, 25/141/2009, Commune de Mer : req. n° 310.208.
[6] – L’article 87 du Traité CE – devenu article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) – pose le principe de l’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État « qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » (l’article 107 TFUE § 2 et 3 dresse des listes d’aides compatibles ou considérées comme compatibles avec le marché intérieur).
Selon la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), sont des « entreprises » les entités exerçant une activité économique, quelle que soit leur forme juridique et leur mode de fonctionnement, qu’elles aient ou non un caractère commercial selon le droit interne, qu’elles aient ou non un but lucratif (CJCE, 23/04/1991, Klaus Höfner, aff. C. 41/90 : Rec. CJCE 1991, I, p. 1979).
Sachant qu’est une « activité économique », « toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné par une entreprise, indépendamment du statut de cette dernière et de son mode de financement » (CJCE, 12/09/2000, Pavlov et a. : aff. jointes C.180/98 à C.184/98).
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