De l’illégalité « originaire » d’un périmètre de droit de préemption urbain

L’article L. 211-1, al. 1 et 2, du Code de l’urbanisme prévoit que :

« Les communes dotées d’un POS rendu public ou d’un PLU approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain

  • sur tout ou partie des zones urbaines [« U »] et des zones d’urbanisation future [« NA » ou « AU »] délimitées par ce plan,
  • dans les périmètres de protection rapprochée de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines définis en application de l’article L. 1321-2 du Code de la santé publique,
  • dans les périmètres définis par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) en application du I de l’article L. 515-16 du Code de l’environnement,
  • dans les zones soumises aux servitudes prévues au II de l’article L. 211-12 du même Code,
  • ainsi que sur tout ou partie de leur territoire couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) rendu public ou approuvé en application de l’article L. 313-1 lorsqu’il n’a pas été créé de zone d’aménagement différé (ZAD) ou de périmètre provisoire de ZAD sur ces territoires.

Les conseils municipaux des communes dotées d’une carte communale approuvée peuvent, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement, instituer un droit de préemption dans un ou plusieurs périmètres délimités par la carte. La délibération précise, pour chaque périmètre, l’équipement ou l’opération projetée.

(…)

Si le Code de l’urbanisme encadre les zones dans lesquelles un périmètre de droit de préemption urbain peut être instauré ; nombre de conseils municipaux se fourvoient en instaurant des périmètres de DPU en zone agricole (A) ou naturelle (N) d’un POS ou d’un PLU.

D’autres encore, n’hésitent pas à se doter d’un droit de préemption urbain, alors que l’occupation et l’utilisation des sols ne relèvent que des seules règles du règlement national d’urbanisme dit « RNU ».

Indiscutablement, la délibération créant un périmètre de DPU hors des hypothèses limitativement énumérées par l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme est entachée d’illégalité.

Toutefois, son illégalité manifeste suppose d’être :

soit   officiellement constatée et condamnée par l’administration, à la demande d’un tiers requérant ou du représentant de l’Etat dans le département, à l’occasion d’un « recours administratif » dit gracieux provoquant le « retrait » de la délibération ;

soit   relevée par le juge administratif à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir exercé à l’encontre de ladite décision de création d’un périmètre de DPU en violation des prescriptions de l’article L. 211-1.

Recours administratif et/ou pour excès de pouvoir temporellement encadrés, au nom de la sécurité juridique des décisions de l’administration. Les 2 mois de recours courant à partir de la publication de la décision. Qu’il soit question d’un affichage en mairie ou de sa publication au recueil des actes administratifs –.

Passés les délais de recours, la décision créant un périmètre de droit de préemption urbain, même en violation manifeste de la liste de l’article L. 211-1, devient définitive et non, inattaquable.

En application du principe selon lequel « toute décision administrative est présumée légale tant qu’elle n’a pas été retirée ou annulée », les propriétaires vendeurs de biens compris dans le périmètre d’un « DPU » sont donc tenus de purger le droit de préemption[1].

Et pour cause, le propriétaire défaillant encourt les sanctions de l’article L. 213-2, 1er et dernier alinéas, du Code de l’urbanisme.

À savoir : « Toute aliénation visée à l’article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité [relative et non absolue], à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien (…). L’action en nullité (…) se prescrit par 5 ans à compter de la publication de l’acte portant transfert de propriété ».

Solutions :

Puisque la décision créant un périmètre de DPU n’est pas une décision à portée réglementaire, mais une décision non-réglementaire dite « d’espèce »[2] ; les termes de l’article 16-1 de la loi 2000, modifiée se révèlent inopposables (v. De l’obligation d’abroger les décisions réglementaires illégales).

Par contre, la décision de préemption prise sur le fondement d’une décision d’espèce entachée ab initio d’illégalité s’en trouve elle-même entachée d’illégalité.

Dans le cadre d’un recours administratif, voire d’un recours contentieux en annulation intenté(s) dans les délais légaux, le vendeur ou l’acquéreur évincé, ainsi que tout tiers intéressé peut exciper de l’illégalité de la décision de préemption aux fins du prononcé de son retrait ou de son annulation.

Et pour cause, est illégale la décision de préemption prise sur le fondement d’une décision créant un périmètre de préemption urbain entaché d’illégalité.

[1] –  Sauf à ce que le cédant puisse bénéficier de l’une des exemptions légales de l’article L. 213-1 ou de l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme.

[2] –  En vertu de la jurisprudence administrative, est une décision non-réglementaire ou d’espèce celle par laquelle l’administration crée un périmètre (tel qu’un périmètre de droit de préemption urbain) et se borne à rendre applicables, à l’intérieur d’un tel périmètre, les dispositions textuelles correspondantes. Par ex. : les dispositions relatives au droit de préemption urbain régi par les art. L. 213-1 et s. et R. 213-1 et s. du Code de l’urba. (v. notamm. CE, 16/06/1995, Assoc. déf. des hab. de la Corniche Basque : req. n° 155.202 ; CE, 25/03/1996 : req. n° 147.294, Assoc de sauvegarde du Village de Guyancourt et de ses hameaux).

CABINET DUCOURAU & AVOCATS
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