Expropriation : La Cour de cassation veille à l’indemnisation intégrale du préjudice

A propos de l’Arrêt de la Cour de Cassation du 30 Janvier 2025, Chambre civile 3, n° 23-22.836

Le 30 janvier 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement éclairant sur les droits du propriétaire exproprié en matière d’évaluation indemnitaire (Cass. 3e civ., 30 janv. 2025, n° 23-22.836). Elle y réaffirme avec force le principe fondamental selon lequel l’indemnité d’expropriation doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par la dépossession.

Les faits : une indemnisation contestée

Mme G. était propriétaire de plusieurs appartements et caves dans un immeuble en copropriété, exproprié au profit de la Métropole de [Localité]. Estimant les indemnités proposées insuffisantes, elle a saisi le juge de l’expropriation. La cour d’appel de Lyon, par un arrêt du 5 septembre 2023, a fixé l’indemnité de dépossession à 303 940 €, mais en opérant deux types d’abattements :

  1. Un abattement lié à des travaux de remise en état, évalués en 2013 et actualisés en 2021,
  2. L’exclusion de la valeur des caves, pourtant considérées comme une plus-value.

Mme G. a alors formé un pourvoi en cassation, en invoquant une violation du principe d’indemnisation intégrale.

Premier apport : les travaux déjà réalisés ne peuvent être déduits

La cour d’appel avait retenu une décote fondée sur une estimation de travaux de structure remontant à 2013. Or, elle avait constaté que des travaux avaient effectivement été réalisés par la copropriété en 2019 pour lever un arrêté de péril pris en 2014. Ces travaux ayant déjà été effectués, leur coût ne pouvait plus être imputé à la valeur du bien à exproprier.

La Cour de cassation sanctionne ici une contradiction : en constatant que les travaux avaient été réalisés, la cour d’appel ne pouvait en déduire leur coût de la valeur du bien sans violer l’article L. 321-1 du Code de l’expropriation.

En pratique : Lorsqu’un bien a été remis en état avant l’expropriation, les dépenses déjà supportées par le propriétaire ne peuvent servir de prétexte à minorer la valeur du bien. Cette règle protège les propriétaires contre une double peine : payer des travaux, puis être indemnisé comme si le bien était toujours dégradé.

Deuxième apport : la plus-value des caves doit être prise en compte

La cour d’appel avait également écarté toute prise en compte de la surface des caves, considérant qu’elle ne devait pas « augmenter artificiellement » la surface des appartements. Or, elle avait elle-même reconnu que la présence des caves constituait une plus-value dans les ventes.

La Cour de cassation censure logiquement cette motivation, car elle ne permet pas de vérifier si la valeur attribuée aux appartements tenait compte ou non de cette plus-value. En l’absence d’élément démontrant que la valorisation globale intégrait celle des caves, leur exclusion est injustifiée.

Là encore, l’article L. 321-1 du Code de l’expropriation  est rappelé : le préjudice doit être indemnisé dans sa totalité.

En pratique : Les annexes (caves, garages, jardins privatifs) doivent être valorisées séparément ou intégrées dans la valorisation globale si elles influencent positivement la valeur du bien.

Une jurisprudence protectrice du droit de propriété

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui veille à garantir une indemnisation complète et équitable de l’exproprié. Elle rappelle que le juge doit se montrer rigoureux dans l’évaluation du préjudice, en tirant toutes les conséquences de ses propres constatations factuelles.

Elle confirme aussi que les méthodes d’évaluation ne doivent pas masquer une réalité économique : le propriétaire ne doit ni être enrichi, ni appauvri par l’expropriation. Toute minoration injustifiée constitue une atteinte à ce principe d’équité.

En résumé :

  • Les travaux déjà réalisés ne peuvent justifier une décote.
  • Les annexes valorisantes (comme les caves) doivent être prises en compte dans l’indemnité.
  • L’article L. 321-1 du Code de l’expropriation reste le fondement incontournable du droit à réparation intégrale.

Pour toute question sur l’indemnisation dans le cadre d’une procédure d’expropriation, ou pour défendre vos droits face à l’administration, n’hésitez pas à contacter notre cabinet.

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