Défense de l’intégrité d’un chemin rural

Rép. min. Q. Sénatoriales n° 01587 et 03267, JO du Sénat du 29.12.2022

À l’occasion des débats parlementaires sur la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite 3DS, divers amendements prônaient l’introduction d’une nouvelle présomption de propriété des Communes sur leurs chemins ruraux, fondée sur le critère de la fonction de liaison de ces chemins entre deux voies.

Les deux questions Sénatoriales n° 01587 et 03267, font état des pouvoirs et obligations des Maires en cas d’atteinte à l’intégrité de tout ou partie d’un chemin rural par les actions d’un riverain ou par leur délaissement par la Commune, générant leur envahissement par la végétation.

Les questions posées sont donc celles de savoir si le Maire est tenu de prendre des mesures pour rétablir l’intégrité d’un chemin rural et connaître les moyens dont disposent les usagers en cas de carence du Maire. Les sénateurs demandent également au Ministre de préciser le statut des chemin ruraux quand son usage au public est interrompu.

1°/ Sur la question de la dépossession par un riverain, le Ministre en charge de la ruralité rappelle que les amendements au projet de loi 3DS ont été rejetés au motif que le droit positif réserve déjà une position favorable aux communes et préserve « un équilibre satisfaisant entre le droit de propriété des personnes privées et l’intérêt général de protéger les chemins ruraux ».

Il rappelle qu’en application des articles L. 161-2 et L. 161-3 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) la Commune bénéficie « d’une présomption de propriété lorsque le chemin rural est affecté à l’usage du public, ce qui ressort des critères alternatifs de l’utilisation du chemin comme voie de passage ou d’actes réitérés de surveillance ou de voirie réalisés par l’autorité municipale (Cass. 3ème civ, 4.04.2007, n° 06-12.078) ». Ainsi, le fait de rapporter une fonction de liaison avec la voirie publique et des témoignages attestant que le chemin était ouvert à la circulation du public « établit la propriété de la Commune faute pour le riverain de pouvoir se prévaloir d’un titre de transfert de propriété (Cass. 3ème civ., 2.04.2003, n° 00-13.430) ».

Autrement dit, en cas de conflit de propriété, « la présomption de propriété des communes ne s’épuise pas par l’acte du riverain qui pose une barrière en faisant cesser la circulation sur le chemin et par l’inaction prolongée de la Commune ». Mieux, « lorsqu’un chemin rural n’est plus, ni emprunté par le public, ni entretenu par la Commune, il suffit à cette dernière d’établir que le chemin a été ouvert au public avant qu’un riverain ne le ferme à la circulation pour entrer dans le champ de la présomption (Cass. 3ème civ., 2.07.2013, n° 12-21.203) ».

Mais attention toutefois à la présomption 30aire des articles 2258 et 2272 du Code civil, le chemin rural faisant partie du domaine privé de la Commune ! Le riverain « appropriant » devra néanmoins rapporter la preuve d’« une possession continue et non équivoque, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » de l’art. 2261 du Code civil (v. notamm. CAA de Bordeaux, 12.06.2008, n° 07BX00343).

2°/ Sur la question des obligations du Maire au titre de la police de la circulation et de la conservation des chemins ruraux L. 161-5 du CRPM,le Ministre rappelle qu’en vertu de l’art. D. 161-11 « lorsqu’un obstacle s’oppose à la circulation sur un chemin rural (…) les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l’auteur de l’infraction ».

Il en conclut que le Maire doit – compétence liée – rétablir l’usage au public d’un chemin rural interrompu volontairement par un riverain.

Le Ministre précise que les infractions à la police des chemins ruraux constatées peuvent également faire l’objet de poursuites pénales en vertu des dispositions répressives de droit commun par l’effet des termes de l’art. R. 161-28 du CRPM.

Le Conseil d’État a rappelé que « le Maire a l’obligation de remédier à l’obstacle qui s’oppose à la circulation sur un chemin rural » et précisé « qu’il se prononce aux termes d’une procédure contradictoire sauf urgence avérée (CE, 24.02.2020, n° 421086) ». Le cas échéant, le Maire pourra procéder aux frais du responsable « à l’enlèvement de l’obstacle et à la réfection du chemin (CAA de Bordeaux, 7.05.2014, n° 12BX02372) ».

Enfin le Ministre affirme qu’« en raison du caractère obligatoire de l’action du Maire, les usagers peuvent lui demander d’exercer son pouvoir de police de la conservation du chemin rural pour supprimer les obstacles à la circulation et en cas de refus, le contester devant le juge administratif » qui peut ainsi enjoindre le Maire à rétablir un chemin rural mis en culture par des agriculteurs riverains (v. CAA de Douai, 31.05.2018, n° 16DA00092). Le cas échéant, l’injonction sera assortie d’une astreinte.

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