L’avenir des règlements municipaux anti-airbnb est entre les mains de la CJUE

(à propos de l’arrêt 3èmeciv., 15/11/2018 : pourv. n° 17-26.156)

Le 19/05/2017, la Cour d’appel de Paris condamne la SCI Cali Appartements à verser à la Ville de Paris une amende de 15.000 euros, doublée de l’injonction de retour du meublé de tourisme à son usage « habitation ».

Le tout sur le fondement de l’art. L. 651-2, des art. L. 631-7 et L. 631-7-1 du CCH, et du règlement municipal réglementant le changement d’usage des locaux d’habitation.

La SCI Cali se pourvoir en Cassation.

Elle fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de violer « le principe de primauté du droit de l’Union européenne, en ce qu’elle n’a pas établi que cette restriction à la libre prestation de service était justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et que l’objectif poursuivi ne pouvait pas être réalisé par une mesure moins contraignante comme l’exige l’art. 9 sous b) et c) de la directive 2006/123/CE du 12/12/2006 [dite « services »]et que la mise en œuvre de cette mesure ne dépend pas de critères répondant aux exigences de l’art. 10 de la directive précitée ».

En gros, la SCI Cali défend l’idée selon laquelle la procédure légale et réglementaire encadrant – interdisant – l’exploitation de meublés de tourisme sur le territoire de Paris contrevient aux termes de la directive« services » relative à l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires, à la libre circulation des services, le tout avec un niveau de qualité élevé.

Selon la SCI, la location d’un local meublé à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, contre paiement d’un prix, est un « service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un Etat membre au sens de l’art. 2 de la directive ».

Dès lors et d’une part, son régime d’autorisation doit se conformer aux prescriptions de l’art. 9 de la directive exigeant la réunion des trois conditions suivantes :

« a) Le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ;

  1. b) La nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général;
  2. c) L’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle».

La SCI Cali affirme que le régime d’autorisation du changement d’usage des locaux d’habitation en meublés de tourisme instauré par le législateur, « ne répond pas à une raison impérieuse d’intérêt général » au sens de l’art. 4 de la directive. Ces « raisons impérieuses » étant celles «reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ».

D’autre part, la SCI indique que l’art. 10 de la circulaire exige que les régimes d’autorisation « ne soient pas utilisés de manière arbitraire ».

Ce qui suppose qu’ils reposent sur des critèresencadrant le pouvoir d’appréciation des autorités compétences : « non-discriminatoires ; justifiés pour une raison impérieuse d’intérêt général ; proportionnels à cet objectif d’intérêt général ; clairs et non-ambigus ; objectifs ; rendus publics à l’avance ; transparents et accessibles ».

Toujours selon la SCI, plusieurs de ces critères seraient violés par la délibération du conseil municipal de Paris instaurant le régime de « compensation ».

Du côté de la Cour de cassation :

Après avoir rappelé que pour déclarer constitutionnel l’al. 6 de l’art. L. 631-7 du CCH, le Conseil constitutionnel relève que « le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général dès lors qu’il a entendu préciser le champ d’application d’un dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et définir certaines exceptions en faveur des bailleurs » (DC n° 2014-691 du 20/03/2014, ALUR), sa 3èmechambre considère que « les questions soulevées par le moyen[de la SCI Cali], dont dépend la solution du pourvoi, justifient la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne ».

Elle décide « en conséquence, de surseoir à statuer sur le pourvoi jusqu’à ce que la Cour de justice se soit prononcée ».

La Cour de cassation pose ainsi à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :

  • 1èrequestion :

La directive « services » 2006/123/CE du 12/12/2006 « s’applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non-professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d’un local meublé à usage d’habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ? »

  • En cas de réponse positive à la 1èrequestion, 2èmequestion :

La réglementation du changement d’usage des locaux d’habitation de l’art. L. 631-7 et s. du CCH « constitue-t-elle un régime d’autorisation de l’activité [de meublé de tourisme] au sens des art. 9 à 13de la directive « services » ou seulement une « exigence » soumise aux dispositions des art. 14 et 15 ?

  • Dans l’hypothèse où la réponse à la 2èmequestion serait « applicabilité des art. 9 à 13», 3ème question :

« L’art. 9 b) de la directive « services » doit-il être interprété en ce sens que l’objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d’intérêt généralpermettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d’un local meublé [en meublé de tourisme] ? »

  • En cas de réponse positive à la 3èmequestion, 4èmeà 6èmequestion :
  • 4ème: Le régime d’autorisation de l’art. L. 631-7-1 du CCH est-il proportionné à l’objectif poursuivi ?
  • 5ème: « L’ 10 § 2, c) et e) de la directive « services » s’oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation « de manière répétée », pour de « courtes durées », à une « clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » ? »
  • 6ème: « L’ 10 § 2, c) et e) de la directive « services » s’oppose-t-il à un régime d’autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l’autorisation sont fixées, par une délibération du Conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ? »

Le futur de la « procédure anti-airbnb » – en vogue sur les Communes de plus de 200 000 habitants, celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, voire le territoire des Communes visées par l’art. L. 631-9 du CCH – est donc bele et bien entre les mains de la Cour de justice de l’Union européenne …

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