La loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement

après la décision du Conseil Constitutionnel n° 2025-896 DC du 20.11.2025

La proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement de l’Assemblée nationale, telle que modifiée au terme de la navette parlementaire, a été adoptée par la Commission mixte paritaire le 15 octobre 2025.

60 députés, conformément aux prescriptions de l’article 61 de la Constitution de 1958, ont saisi le 21 octobre 2025 le Conseil Constitutionnel de ladite loi. Ils contestent la constitutionnalité de ses articles 23 et 26.

La Haute juridiction a également procédé au contrôle de la loi sous le prisme des termes de la dernière phrase du 1er alinéa de l’article 45 de la Constitution : « sans préjudice de l’application des art. 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

I/ De la conformité à la Constitution du nouvel art. L. 431-6 du Code de l’urbanisme (article 23 point 1° de la loi) :

Le nouvel art. L. 431-6 est rédigé comme suit :

« Si les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés, une demande de permis de construire modifiant un permis de construire initial en cours de validité ne peut pas, pendant une période de 3 ans à compter de la date de délivrance du permis initial, être refusée ou assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues après la délivrance du permis initial.

Par dérogation au premier alinéa, la demande peut être refusée ou assortie de prescriptions spéciales si les dispositions d’urbanisme intervenues après la délivrance du permis de construire initial ont pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publiques »

Idem pour le nouvel art. L. 441-5 du Code de l’urbanisme, pendant de l’article L. 431-6 pour les permis d’aménager modificatifs.

La nouvelle loi pose donc le principe de la cristallisation, à la date de délivrance du PC/PA initial, des règles d’urbanisme ayant conduit à sa délivrance.

Sachant, qu’avant la loi, toute demande de PC/PA modificatif était instruite à l’aune des prescriptions d’urbanisme couvrant le territoire communal au jour de l’instruction dudit modificatif.

Le législateur vient donc – dans l’esprit des prescriptions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanismecristalliser pendant 3 ans les prescriptions d’urbanisme opposables lors de la délivrance du PC initial.

Le Conseil Constitutionnel rejette le moyen des députés requérants fondé sur la méconnaissance des art. 1er et 3 de la Charte de l’environnement :

« d’une part, les dispositions contestées ne sont applicables à l’examen d’une demande de PC modificatif que si les travaux initialement autorisés n’ont pas encore été achevés. La cristallisation des règles d’urbanisme qu’elles prévoient n’excède pas, par ailleurs, une durée de 3 ans à compter de la date de délivrance du permis initial. D’autre part, ces dispositions, qui ne concernent que les seules règles d’urbanisme, ne font pas obstacle, en tout état de cause, à l’application des règles autres que d’urbanisme qui ont pour objet d’assurer la protection de l’environnement »

II/ De la conformité à la Constitution de l’abrogation de l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme par l’article 26 § I point 3° de la loi :

L’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme prévoyait ce qui suit :

« L’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un SCOT, d’un PLU, d’une carte communale ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document en cause. 

Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une ZAC. 

Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne :

-soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l’enquête publique sur les SCOT, les PLU et les cartes communales ;

-soit l’absence du rapport de présentation ou des documents graphiques »

Les députés requérants considèrent que la suppression de la possibilité d’évoquer par voie d’exception certains moyens d’illégalité, tirés notamment d’une violation grave des règles de l’enquête publique sur les document d’urbanisme, méconnaitrait l’article 16 de la DDHC de 1789 garanitssent le droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi que les exigences constitutionnelles de prévention des atteintes à l’environnement et de participation du public en matière environnementale au titre des articles 1er, 3 et 7 de la Charte de l’environnement.

Le Conseil Constitutionnel rejette le moyen des députés requérants aux motifs suivants :

« 16 (…) d’une part, il ressort des travaux préparatoires qu’en adoptant ces dispositions, qui alignent sur ce point le régime contentieux applicable à ces documents sur le droit commun des actes réglementaires, le législateur a entendu prendre en compte le risque d’instabilité juridique pouvant résulter de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces actes réglementaires, ainsi que simplifier le droit de l’urbanisme en lui appliquant le régime de droit commun des exceptions d’illégalité. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

17. D’autre part, le régime contentieux résultant de l’application des dispositions contestées fait uniquement obstacle à ce que des vices de forme et de procédure soient invoqués par voie d’exception ainsi que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision refusant d’abroger un acte réglementaire. Ces dispositions n’ont ainsi ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à toute personne intéressée de contester, par voie d’action, dans le délai de recours contentieux, la légalité externe d’un tel acte »

Autrement dit, le vice tenant dans le non-respect de la procédure d’enquête publique ne pourra désormais plus être opposé que par voie d’action, dans le délai de 2 mois de recours contre la délibération approuvant le SCOT, le PLU, la CC, …

III/ De l’inconstitutionnalité du nouvel al. 2 de l’art. L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme par (article 26 § I point 4° de la loi) :

L’actuel article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme ne contient qu’un unique alinéa :

« Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire »

L’article 26 8 4° le complète par un 2nde alinéa :

« Une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou un de leurs groupements n’est recevable à agir contre la décision d’approbation d’un document d’urbanisme ou de son évolution que si elle a pris part à la participation du public effectuée par enquête publique, par voie électronique ou par mise à disposition organisée avant cette décision contestée »

Autrement dit, le Parlement a décidé que les personnes physiques ou morales de droit privé ne peuvent agir contre la délibération approuvant un PLU que si elle a pris part à la participation du public organisée avant cette décision.

Le Conseil Constitutionnel accueille le moyen des députés requérants et juge que ce nouvel alinéa porte au droit à un recours juridictionnel effectif une atteinte inconstitutionnellement disproportionnée,aux motifs suivants :

« 27. (…) en subordonnant la recevabilité du recours contre une telle décision à la condition de prendre part à la participation du public organisée préalablement, ces dispositions, dont la portée est au demeurant imprécise, privent la personne de la possibilité de former un recours direct même lorsqu’elle n’a pas pu avoir connaissance, au stade de la consultation du public, de l’illégalité éventuelle de cette décision, y compris lorsque cette illégalité résulte de modifications ou de circonstances postérieures à la clôture de la procédure de participation du public.

28. En outre, la possibilité ouverte à toute personne de contester la légalité de cette décision, soit par voie d’exception, soit à l’occasion d’un recours contre le refus de l’abroger, ne permet, en application du régime contentieux de droit commun rendu applicable par le 4 ° du paragraphe I de l’article 26 de la loi déférée, ni d’invoquer certains vices de légalité externe, ni d’obtenir l’annulation rétroactive de la décision »

Le 4° du § I art. 26 de la loi, tout comme son § 2 « qui en est inséparable » sont jugés inconstitutionnels.

IV/ De la conformité à la Constitution du nouvel article L. 600-12-2 du Code de l’urbanisme (article 26 § I point 7° de la loi) :

La loi insère un nouvel article L. 600-12-2 au Code de l’urbanisme :

« Le délai d’introduction d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique à l’encontre d’une décision relative à une autorisation d’urbanisme est de 1 mois. Le silence gardé pendant plus de 2 mois sur ce recours par l’autorité compétente vaut décision de rejet.

Le délai de recours contentieux contre une décision mentionnée au premier alinéa n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique »

Autrement dit, la loi de simplification vient, ni plus ni moins, que signer l’arrêt de mort du recours administratif préalable pouvant jusqu’alors être intenté contre une autorisation d’urbanisme, préalablement à une éventuelle Requête pour excès de pouvoir près le Tribunal administratif compétent.

Tel est l’effet automatique de la suppression de la prorogation du délai de recours contentieux suite à un recours administratif.

Ce qui signifie que le tiers riverain à un fonds couvert par une AU, qu’il considère entachée d’illégalité, sera contraint de saisir directement le Tribunal administratif sans passer par la case « recours administratif ».

Ce qui est bien dommage car, en pratique, ce dernier permet dans de nombreux cas aux Maires ayant illégalement délivré une AU de la retirer ou d’imposer des prescriptions la régularisant. Le tout sur le court délai du « RA » : au maximum 4 mois après l’affichage sur le terrain de l’AU contestée.

Selon le Conseil Constitutionnel :

« En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu réduire l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours dilatoires. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ».

Les dispositions de l’article L. 600-12-2 « ne mettent pas en cause l’exercice, par les intéressés, du droit d’agir en justice ».

Heureusement ! Et ce, grâce à l’article 16 de la DDHC interdisant toute atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif contre une AU, devant une juridiction administrative.

Et le CC de rajouter : « 44. En outre, la circonstance que la réponse de l’autorité administrative au recours administratif d’un justiciable intervienne au-delà de l’expiration du délai de recours contentieux est sans incidence sur la possibilité dont celui-ci dispose de saisir par ailleurs le juge administratif dans un tel délai »

V/ Le CC juge contraires aux prescriptions de l’article 45 de la Constitution, les articles 5, 6, 10, 11,12, 13, 14, 16, 27, 28, 30 et 31 :

Après avoir rappelé :

  • qu’« aux termes de la dernière phrase du 1er al. de l’art. 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » » ;
  • qu’« il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure » ;
  • et que « selon une jurisprudence constante, il s’assure dans ce cadre de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié »,

Le CC a soumis à ce crible les articles 5, 6, 10, 11,12, 13, 14, 16, 27, 28, 30 et 31 introduits en première lecture. Il juge que leurs dispositions « ne présentent pas de lien, même indirect » avec celles des articles 1 à 5 de la proposition de loi initiale.

Il les écarte donc après avoir constaté « qu’elles ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution », tout en précisant qu’il ne préjuge pas de leur conformité aux autres exigences constitutionnelles.

Autrement dit, un vice de procédure conduit le CC à sortir de la loi les articles sus-listés.

VI/ Enfin, pour toutes les autres dispositions de la loi, le CC ne s’est pas prononcé sur leur constitutionnalité, à défaut d’avoir soulevé d’office toute autre question de conformité à la Constitution

Sont donc présumées constitutionnelles, non-exhaustivement :

  • L’instauration d’un document d’urbanisme unique faisant office de SCOT et de PLU : nouvel art. L. 146-1 du Code de l’urbanisme (article 3 de la loi) ;
  • L’exception apportée à la jurisprudence Secklerinterdisant par principe les travaux sur une construction devenue illégale par l’effet de l’évolution de la réglementation d’urbanisme – par le nouvel art. L. 111-35 du Code de l’urbanisme (article 9 de la loi) :

« Lorsqu’une construction régulièrement édifiée fait l’objet d’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant des travaux de surélévation ou de transformation limitée d’un immeuble existant, l’autorisation d’urbanisme ne peut être refusée sur le seul fondement de la non-conformité de la construction initiale aux règles applicables en matière d’implantation, d’EAS et d’aspect extérieur des constructions »

  • Le régime d’autorisation du changement de destination d’un bâtiment agricole ou forestier, que le bâtiment soit sis dans une Commune littorale et classé en zone N ou A (nouvel article L. 121-12-2 du Code de l’urbanisme), ouque le bâtiment se trouve sur toute autre Commune et sous conditions lorsqu’il se trouve en zone N ou A (nouvel article L. 152-6-9 du Code de l’urbanisme) (article 9 de la loi)
  • La possibilité pour l’autorité d’urbanisme de déroger aux prescriptions du règlement du PLU « pour autoriser la surélévation d’une construction achevée depuis plus de 2 ans, lorsque la surélévation a pour objet la création de logements ou un agrandissement de la surface du logement » : modification de l’article L 152-6 du Code de l’urbanisme(article 9 de la loi) ;
  • Possibilité en zone d’activité économique, par décision motivée, d’autoriser un projet de réalisation de logements ou d’équipements publics « en dérogeant aux règles relatives aux destinations fixées par le PLU », ainsi qu’aux « règles relatives à l’EAS, au retrait, au gabarit, à la hauteur et à l’aspect extérieur des bâtiments, aux obligations en matière de stationnement », tout en pouvant soumettre ces logements nouveaux à la servitude de résidence principale de l’art. L. 151-14-1 :modification des l’articles L 152-6-7 et L. 152-6-10 du Code de l’urbanisme(article 9 de la loi) ;
  • Toujours dans le dessein d’édifier de nouveaux logements et par décision motivée : l’autorité d’urbanisme pourra, en zone U ou AU, déroger aux règles du PLU pour « permettre la réalisation d’opérations de logements consacrés spécifiquement à l’usage étudiant » : nouvel article L 152-6-8 du Code de l’urbanisme(article 9 de la loi) ;
  • Création des « résidences à vocation d’emploi » dont les baux relèvent du régime du bail mobilité, même s’ils peuvent avoir une durée mini de 1 semaine et une durée maxi de 18 mois : nouvel article L 631-16-1 du CCH(article 15 de la loi) ;
  • Nouvel article L 151-7-3 et modification de l’article L. 442-11 du Code de l’urbanisme conférant à l’autorité en charge du PLU le pouvoir de « modifier tout ou partie des documents du lotissement ». Et ce, dans le dessein de « favoriser l’évolution, la requalification du bâti existant, l’optimisation de l’utilisation de l’espace ou la mixité fonctionnelle »(article 17) ;
  • Modification du 1er alinéa l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme allégeant la majorité exigée des colotis pour demander ou accepter, près le Maire, la modification « de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé ». Désormais, il suffira que la moitié des propriétaires détienne ensemble la moitié au moins de la superficie d’un lotissement (article 17). Sachant que l’autorité d’urbanisme n’entérine cette modification que si elle est compatible avec la réglementation d’urbanisme applicable;
  • Possibilité pour le Règlement du PLU d’assouplir les obligations en matière d’aires de stationnement, dans le dessein d’augmenter la construction de nouveaux logements : nouvel art. L. 151-30-1, modification L. 151-31, L. 151-33, L. 151-34, L. 151-35, L. 151-36, L. 152-6-1 du Code de l’urbanisme (article 20) modification de l’art. L. 152-6 du Code de l’urba (article 21) ;
  • Consécration du lotissement PA sur des unités foncières non contiguës : nouvel art. L. 442-1-3 du Code de l’urbanisme (article 22) ;
  • Les articles L. 481-1 et L. 481-2 du Code de l’urbanisme sont modifiés (article 26) ;
  • Modification de l’art. L. 600-2 du Code de l’urbanisme : désormais lorsqu’une décision de refus d’AU fait l’objet d’une requête près le TA, l’autorité d’urbanisme ne pourra plus « invoquer de motifs de refus nouveaux après l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de l’enregistrement du recours ». Soit, un frein au privilège conféré à l’autorité administrative d’opposer « la substitution de motif », à tout moment de la procédure (article 26) ;
  • Reconnaissance de la présomption d’urgence, dans le cadre d’un référé-suspension R. 521-1 du CJA, engagé par la personne s’étant vue opposer une décision d’opposition à sa DP ou un refus de PC : nouvel article L. 600-3-1 du Code de l’urbanisme (article 26).

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